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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/7

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BLEAK-HOUSE.

CHAPITRE PREMIER.

Coup d’œil sur la chancellerie.

Londres. La session judiciaire qui commence après la Saint-Michel vient de s’ouvrir, et le lord chancelier siège dans la grande salle de Lincoln’s Inn. Un affreux temps de novembre ; autant de boue dans les rues que si les eaux du déluge venaient seulement d’abandonner la surface de la terre, et l’on ne serait pas surpris de rencontrer un megalosaurus[1], gravissant, dans la vase, la colline de Holborn. La fumée tombe des tuyaux de cheminée, bruine molle et noire, traversée de petites pelotes de suie qu’on prendrait pour des flocons de neige portant le deuil du soleil. On ne reconnaît plus les chiens sous la boue qui les couvre. Les chevaux, crottés jusqu’aux oreilles, ne sont guère mieux que les chiens. Les parapluies se heurtent, et les piétons, d’une humeur massacrante, perdent pied à chaque coin de rue, où des milliers de passants ont trébuché depuis le commencement du jour (si toutefois on peut dire que le jour ait commencé), ajoutant de nouveaux dépôts aux couches successives de cette boue tenace, qui s’attache au pavé et s’y accumule à intérêts composés.

Partout du brouillard : sur les marais d’Essex et les hauteurs du Kent ; en amont de la Tamise, où il s’étend sur les îlots et les prairies ; en aval, où il se déploie au milieu des navires qu’il enveloppe, et se souille au contact des ordures que déposent sur la rive les égouts d’une ville immense et fangeuse. Il s’insinue dans la cambuse des bricks, s’enroule aux vergues et plane au-dessus des grands mâts ; il pèse sur le plat-bord des barques ; il

  1. Lézard gigantesque et antédiluvien.