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— Vraiment ! dit M. Guppy en regardant son ami avec une sorte d’épouvante. Je ne l’ai jamais vue, et cependant je la reconnais. A-t-on gravé ce portrait, mademoiselle ?

— Non, monsieur ; sir Leicester ne l’a jamais permis.

— En ce cas, murmure tout bas M. Guppy, je veux être pendu si je sais comment j’ai pu voir ce portrait que je connais certainement ; c’est fort curieux. Ainsi donc c’est milady Dedlock ?

— Le portrait qui est à droite est celui du baronnet actuel ; le précédent représente le père de celui-ci, le dernier sir Leicester. »

M. Guppy ne donne pas même un regard à ces illustres magnats.

«  Je ne puis comprendre, dit-il en considérant toujours le portrait de milady, comment il se fait que je connaisse ce visage, et surtout aussi bien ; je n’en reviens pas ; il faut que je l’aie rêvé ! »

Personne parmi ceux qui accompagnent M. Guppy ne s’intéressant à ses rêves, cette probabilité n’est pas même discutée ; il reste absorbé par le portrait de milady jusqu’au moment où le dernier volet est fermé ; il quitte le salon dans cet état de vertige qui lui tient lieu d’intérêt et traverse les pièces suivantes au hasard, comme s’il cherchait partout l’image de milady ; mais il ne la voit plus. Il entre dans son appartement qu’on montre le dernier parce qu’il est le plus élégant, et jette un coup d’œil par la fenêtre, d’où naguère elle voyait cet affreux temps qui la faisait mourir d’ennui. Tout prend fin, même les châteaux qu’on visite, et Rosa, la charmante villageoise, arrive au bout de sa description, qui se termine invariablement par ces mots :

«  La terrasse que vous voyez de ces fenêtres est extrêmement admirée ; elle tire son nom d’un fait historique arrivé dans la famille, et s’appelle « le Promenoir du Revenant. »

— Bah ! dit M. Guppy chez qui ces mots excitent une vive curiosité, le fait dont vous parlez se rapporte-t-il au portrait ?

— Oh ! je vous en prie, contez-nous cette histoire, murmure Watt en se penchant vers la jeune fille.

— Je ne la sais pas, monsieur, répond Rosa dont la timidité augmente encore.

— On ne la raconte point aux étrangers ; elle est d’ailleurs presque oubliée, dit mistress Rouncewell en s’avançant, et n’a jamais été qu’une anecdote de famille.

— Pardonnez-moi si j’insiste de nouveau, madame, pour savoir si elle a quelque chose de relatif au portrait du grand salon, reprend M. Guppy ; car je vous assure que, plus je songe à ce