Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Scrooge à sa vue ne semblait pas du fait de la figure, elle venait plutôt de lui-même et ne tenait pas à l’expression de la physionomie du défunt. Lorsqu’il eut considéré fixement ce phénomène, il n’y trouva plus qu’un marteau.

Dire qu’il ne tressaillit pas ou qu’il ne ressentit point une impression terrible à laquelle il avait été étranger depuis son enfance, serait un mensonge. Mais il mit la main sur la clef, qu’il avait lâchée d’abord, la tourna brusquement, entra et alluma sa chandelle.

Il s’arrêta, un moment irrésolu, avant de fermer la porte, et commença par regarder avec précaution derrière elle comme s’il se fût presque attendu à être épouvanté par la vue de la queue effilée de Marley s’avançant jusque dans le vestibule. Mais il n’y avait rien derrière la porte, excepté les écrous et les vis qui y fixaient le marteau ; ce que voyant, il dit : « Bah ! bah ! » en la poussant avec violence.

Le bruit résonna dans toute la maison comme un tonnerre. Chaque chambre au-dessus et chaque futaille au-dessous, dans la cave du marchand de vin, semblait rendre un son particulier pour faire sa partie dans ce concert d’échos. Scrooge n’était pas homme à se laisser effrayer par des échos. Il ferma solidement la porte, traversa le vestibule et monta l’escalier, prenant le temps d’ajuster sa chandelle, chemin faisant.

Vous parlez des bons vieux escaliers d’autrefois par où l’on aurait fait monter facilement un carrosse à six chevaux ou le cortége d’un petit acte du parlement ; mais moi, je vous dis que celui de Scrooge était bien autre chose ; vous auriez pu y faire monter un corbillard, en le prenant dans sa plus grande largeur, la barre d’appui contre le mur, et la portière du côté de la rampe, et c’eût été chose facile : il y avait bien assez de place pour cela et plus encore qu’il n’en fallait. Voilà peut-être pourquoi Scrooge crut voir marcher devant lui, dans l’obscurité, un convoi funèbre. Une demi-douzaine des becs de gaz de la rue auraient eu peine à éclairer suffisamment le vestibule ; vous pouvez donc supposer qu’il y faisait joliment sombre avec la chandelle de Scrooge.

Il montait toujours, ne s’en souciant pas plus que de rien du tout. L’obscurité ne coûte pas cher, c’est pour cela que Scrooge ne la détestait pas. Mais, avant de fermer sa lourde porte, il parcourut les pièces de son appartement pour voir si tout était en ordre. C’était peut-être un souvenir inquiet de la mystérieuse figure qui lui trottait dans la tête.

Le salon, la chambre à coucher, la chambre de débarras,