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LE GRILLON DU FOYER.

— Mon cher John, aller à pied ! la nuit ! »

La figure emmitouflée de son mari lui fit aussitôt un signe de tête affirmatif : le perfide étranger et la petite bonne s’étant assis dans la voiture, le vieux cheval se mit en mouvement. Boxer, dans son ignorance absolue de toutes choses, partit devant, au galop ; puis, rebroussant chemin, revint en arrière ; il courait à droite et à gauche, traçant un cercle autour de la voiture, et aboyait d’une façon aussi triomphante et aussi joyeuse que jamais.

Quand Tackleton fut sorti, lui aussi, pour reconduire Mme Fielding et sa fille jusque chez elles, le pauvre Caleb s’assit près du feu à côté de sa chère Bertha, le cœur déchiré d’inquiétudes et de remords, et disant toujours, en la contemplant avec tristesse : « Ne l’ai-je donc trompée depuis le berceau que pour finir par lui briser le cœur ! »

Les joujoux qu’on avait mis en mouvement pour amuser le baby s’étaient tous arrêtés au repos depuis longtemps. Au milieu du silence, à la lueur de cette lumière douteuse, les poupées avec leur calme imperturbable ; les chevaux à bascule, si agités peu auparavant, avec leurs yeux fixes et leurs naseaux ouverts ; les vieux bonshommes, devant la porte de leurs maisons, à demi repliés sur eux-mêmes, courbés en deux, sur leurs genoux défaillants ; les casse-noisettes aux visages grimaçants ; jusqu’aux animaux qui se rendaient dans l’arche, deux par deux, comme une pension qui va à la promenade ; tous avaient l’air d’avoir été frappés d’une immobilité magique, en voyant un double miracle, Dot perfide et Tackleton aimé.


III

Troisième cri.


Dix heures sonnaient à l’horloge hollandaise placée dans le coin de la cuisine, lorsque le messager s’assit près du feu, si troublé, si abattu par le chagrin, que le coucou, je crois, en fut tout effarouché, car, après s’être dépêché de pousser ses dix petits cris mélodieux afin d’annoncer l’heure, il se replongea bien vite dans le palais moresque, en fermant avec fracas la petite porte derrière lui, comme s’il ne se sentait pas le courage d’affronter plus longtemps ce spectacle inaccoutumé.

Le petit faucheur lui-même, eût-il été armé de la faux la plus