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commencement, et plutôt que de la laisser s’approcher de moi, je resterai reclus ici jusqu’à mon dernier soupir, sans d’autres mains pour me servir que celles de cet enfant, qui est à l’abri de mon pouvoir… Sombres esprits, ayez pitié de moi !… »

Mais la seule voix de Milly lui répondit, criant avec une énergie croissante :

« Par pitié !… ouvrez-moi ! secourez-moi ! »


III

Le don contraire.


Le ciel était encore chargé de ténèbres épaisses.

De la plaine, du sommet des collines, du pont des navires solitaires voguant sur les flots, on entrevoyait cependant, au brumeux et lointain horizon, une ligne basse qui promettait de se changer bientôt en lumière ; mais cette promesse était encore vague et douteuse, et la lune luttait opiniâtrément avec les nuages de la nuit.

Les ombres amoncelées sur l’esprit de Redlaw se succédaient épaisses et rapides, et obscurcissaient sa lumière, comme les nuages de la nuit suspendus entre la lune et la terre voilaient la naissante clarté du jour. Irrégulières et incertaines comme celles des nuages, elles étendaient leur voile sur les révélations imparfaites qui voulaient se faire jour dans son âme ; et, de même que dans les nuages de la nuit, si la lumière apparaissait un instant à son esprit troublé, c’était pour s’évanouir aussitôt et rendre ses ténèbres plus profondes encore.

Au dehors, un silence lugubre et solennel planait sur le vieil édifice, dont les angles et les piliers projetaient sur le blanc tapis de neige des formes noires et mystérieuses qui paraissaient et disparaissaient, selon que les clartés de la lune étaient plus ou moins voilées.

Au dedans, la lampe expirante laissait la chambre dans une obscurité presque complète ; un effrayant silence avait succédé aux supplications de Milly ; nul bruit ne se faisait entendre, si ce n’est de temps en temps un craquement sourd dans les cendres blanchies du foyer, comme si le feu eût exhalé son dernier souffle. L’enfant, couché par terre devant la cheminée, dormait d’un profond sommeil. Semblable à un homme changé en pierre,