Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/46

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Mais le fantôme impitoyable l’étreignit entre ses deux bras et le força à considérer la suite des événements.

Ils se trouvèrent tout à coup transportés dans un autre lieu où une scène d’un autre genre vint frapper leurs regards ; c’était une chambre, ni grande, ni belle, mais agréable et commode. Près d’un bon feu d’hiver était assise une belle jeune fille, qui ressemblait tellement à la dernière, que Scrooge la prit pour elle, jusqu’à ce qu’il aperçût cette dernière devenue maintenant une grave mère de famille, assise vis-à-vis de sa fille. Le bruit qui se faisait dans cette chambre était assourdissant, car il y avait là plus d’enfants que Scrooge, dans l’agitation extrême de son esprit, n’en pouvait compter ; et, bien différents de la joyeuse troupe dont parle le poëme, au lieu de quarante enfants silencieux comme s’il n’y en avait eu qu’un seul, chacun d’eux, au contraire, se montrait bruyant et tapageur comme quarante. La conséquence inévitable d’une telle situation était un vacarme dont rien ne saurait donner une idée ; mais personne ne semblait s’en inquiéter. Bien plus, la mère et la fille en riaient de tout leur cœur, et s’en amusaient beaucoup. Celle-ci, ayant commencé à se mêler à leurs jeux, fut aussitôt mise au pillage par ces petits brigands qui la traitèrent sans pitié. Que n’aurais-je pas donné pour être l’un d’eux ! Quoique assurément je ne me fusse jamais conduit avec tant de rudesse, oh ! non ! Je n’aurais pas voulu, pour tout l’or du monde, avoir emmêlé si rudement, ni tiré avec tant de brutalité ces cheveux si bien peignés ; et, quant au charmant petit soulier, je me serais bien gardé de le lui ôter de force, Dieu me bénisse ! quand il se serait agi de sauver ma vie. Pour ce qui est de mesurer sa taille en jouant comme ils le faisaient sans scrupule, ces petits audacieux, je ne l’aurais certainement pas osé non plus ; j’aurais craint qu’en punition de ce sacrilége, mon bras ne fût condamné à s’arrondir toujours, sans pouvoir se redresser jamais. Et pourtant, je l’avoue, j’aurais bien voulu toucher ses lèvres, lui adresser des questions afin qu’elle fût forcée de les ouvrir pour me répondre, fixer mes regards sur les cils de ses yeux baissés, sans la faire rougir ; dénouer sa chevelure ondoyante dont une seule boucle eût été pour moi le plus précieux de tous les souvenirs ; bref, j’aurais voulu, je le confesse, qu’il me fût permis de jouir auprès d’elle des priviléges d’un enfant, et, cependant, demeurer assez homme pour en apprécier toute la valeur.

Mais voilà qu’en ce moment on entendit frapper à la porte, et il s’ensuivit immédiatement un tel tumulte et une telle confusion, que ce groupe aussi bruyant qu’animé qui l’entourait la