Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/92

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un moment la pensée d’en assener un coup à Scrooge, de le saisir au collet et d’appeler à l’aide les gens qui passaient dans la ruelle pour lui faire mettre la camisole de force.

« Un joyeux Noël, Bob ! dit Scrooge avec un air trop sérieux pour qu’on pût s’y méprendre et en lui frappant amicalement sur l’épaule. Un plus joyeux Noël, Bob, mon brave garçon, que je ne vous l’ai souhaité depuis longues années ! Je vais augmenter vos appointements et je m’efforcerai de venir en aide à votre laborieuse famille ; ensuite cette après-midi nous discuterons nos affaires sur un bol de Noël rempli d’un bischoff fumant, Bob ! Allumez les deux feux ; mais avant de mettre un point sur un i, Bob Cratchit, allez vite acheter un seau neuf pour le charbon. »

Scrooge fit encore plus qu’il n’avait promis ; non-seulement il tint sa parole, mais il fit mieux, beaucoup mieux.

Quant à Tiny Tim, qui ne mourut pas, Scrooge fut pour lui un second père.

Il devint un aussi bon ami, un aussi bon maître, un aussi bon homme que le bourgeois de la bonne vieille Cité, ou de toute autre bonne vieille cité, ville ou bourg, dans le bon vieux monde. Quelques personnes rirent de son changement ; mais il les laissa rire et ne s’en soucia guère ; car il en savait assez pour ne pas ignorer que, sur notre globe, il n’est jamais rien arrivé de bon qui n’ait eu la chance de commencer par faire rire certaines gens. Puisqu’il faut que ces gens-là soient aveugles, il pensait qu’après tout il vaut tout autant que leur maladie se manifeste par les grimaces, qui leur rident les yeux à force de rire, au lieu de se produire sous une forme moins attrayante. Il riait lui-même au fond du cœur ; c’était toute sa vengeance.

Il n’eut plus de commerce avec les esprits ; mais il en eut beaucoup plus avec les hommes, cultivant ses amis et sa famille tout le long de l’année pour bien se préparer à fêter Noël, et personne ne s’y entendait mieux que lui : Tout le monde lui rendait cette justice.

Puisse-t-on en dire autant de vous, de moi, de nous tous, et alors comme disait Tiny Tim :

« Que Dieu nous bénisse, tous tant que nous sommes ! »