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LE CRICRI DU FOYER.

« Et ceux qui — les jeunes gens — ceux qui fixaient quelquefois notre attention ! continua Dot, ah ! que nous nous doutions peu du cours que prendraient les choses ! Je ne pensais guère à John, j’en suis bien sûre… et vous, May, si je vous avais dit que vous épouseriez un jour M. Tackleton, comme vous m’auriez souffletée, n’est-ce pas ? »

Quoique May ne répondit pas oui, certainement elle ne dit pas non, et n’exprima pas la moindre envie de le dire. Tackleton rit d’un rire bruyant. John Peerybingle rit aussi de son rire de bonne humeur et d’homme heureux ; mais son rire était un rire à voix basse auprès de celui de Tackleton.

« Malgré tout cela, vous n’avez pu ni vous échapper ni nous résister, dit ce dernier. Nous voici, nous voici ; où sont vos jeunes et joyeux fiancés à présent ?

— Quelques-uns sont morts, dit Dot, quelques-uns oubliés. D’autres, s’ils pouvaient tout-à-coup se trouver avec nous en ce moment, ne pourraient croire que nous soyons les mêmes créatures. Ils ne croiraient ni leurs yeux, ni leurs oreilles en nous voyant et en nous écoutant ; ils ne croiraient pas que nous puissions les oublier. Non, ils n’en croiraient rien.

— Holà ! Dot, s’écria le voiturier. Petite femme !… »

Elle avait parlé avec tant d’émotion et de chaleur, qu’elle avait besoin sans doute que quelqu’un la rappelât à elle-même. L’intervention de son mari n’avait rien