Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/106

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En cela j’étais soutenu par M. Mell, qui avait pour moi une affection dont je me souviens avec reconnaissance. J’étais fâché de voir que Steerforth le traitait avec un dédain systématique, et ne perdait jamais une occasion de blesser ses sentiments, ou de pousser les autres à le faire. Cela m’était d’autant plus pénible que j’avais confié à Steerforth que M. Mell m’avait mené voir deux vieilles femmes ; il m’aurait été aussi impossible de lui cacher un pareil secret que de ne pas partager avec lui un gâteau ou toute autre douceur ; mais j’avais toujours peur que Steerforth ne se servît de cette révélation pour tourmenter M. Mell.

Pauvre M. Mell ! Nous ne nous doutions guère, ni l’un ni l’autre, le jour où j’allai déjeuner dans cette maison, et faire un somme à l’ombre des plumes de paon, au son de la flûte, du mal que causerait plus tard cette visite insignifiante à l’hospice de sa mère. Mais on en verra plus tard les résultats imprévus ; et, dans leur genre, ils ne manquèrent pas de gravité.

Un jour, M. Creakle garda la chambre pour indisposition : la joie fut grande parmi nous, et l’étude du matin singulièrement agitée. Dans notre satisfaction, nous étions difficiles à mener, et le terrible Tungby eut beau paraître deux ou trois fois, il eut beau noter les noms des principaux coupables, personne n’y prit garde ; on était bien sûr d’être puni le lendemain, quoi qu’on pût faire, et mieux valait se divertir en attendant.

C’était un jour de demi-congé, un samedi. Mais comme nous aurions dérangé M. Creakle en jouant dans la cour, et qu’il ne faisait pas assez beau pour qu’on pût aller en promenade, on nous fit rester à l’étude pendant l’après-midi ; on nous donna seulement des devoirs plus courts que de coutume. C’était le samedi que M. Sharp allait faire friser sa perruque. M. Mell avait alors le privilège d’être chargé des corvées, c’est lui qui nous faisait travailler ce jour-là.

S’il m’était possible de comparer un être aussi paisible que M. Mell à un ours ou à un taureau, je dirais que ce jour-là ; au milieu du tapage inexprimable de la classe, il ressemblait à un de ces quadrupèdes assailli par un millier de chiens. Je le vois encore, appuyant sur ses mains osseuses sa tête à moitié brisée ; s’efforçant en vain de poursuivre son aride labeur, au milieu d’un vacarme qui aurait rendu fou jusqu’au des élèves président de la chambre des Communes. Une partie