Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/120

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circonstance, car il resta plongé dans ses méditations pendant quelque temps.

« Eh bien, reprit-il enfin. Dites à Peggotty, Barkis attend une réponse. « Une réponse, à quoi ? dira-t-elle peut-être. Alors vous direz » à ce dont je vous ai parlé. « De quoi m’avez vous parlé ? dira-t-elle. Vous répondrez, « Barkis veut bien. »

À cette suggestion pleine d’artifice, M. Barkis ajouta un coup de coude qui me donna un point de côté. Après quoi il concentra toute son attention sur son cheval comme d’habitude, et ne fit plus d’allusion au même sujet. Seulement au bout d’une demi-heure, il tira un morceau de craie de sa poche et écrivit dans l’intérieur de sa carriole : « Clara Peggotty » probablement pour se souvenir du nom.

Quel étrange sentiment j’éprouvais : revenir chez moi, en sentant que je n’y étais pas chez moi, et me voir rappeler par tous les objets qui frappaient mes regards le bonheur du temps passé qui n’était plus à mes yeux qu’un rêve évanoui ! Le souvenir du temps où ma mère et moi et Peggotty nous ce faisions qu’un, où personne ne venait se placer entre nous, m’assaillit si vivement sur la route, que je n’étais pas bien sûr de ne pas regretter d’être venu si loin au lieu de rester là-bas à oublier tout cela dans la compagnie de Steerforth. Mais j’arrivais à la maison, et les branches dépouillées des vieux ormes sa tordaient sous les coups du vent d’hiver qui emportait sur ses ailes les débris des nids des vieux corbeaux.

Le conducteur déposa ma malle à la porte du jardin et me quitta. Je pris le sentier qui menait à la maison, en regardant toutes les fenêtres, craignant, à chaque pas, d’apercevoir à l’une d’elles le visage rébarbatif de M. Murdstone ou de sa sœur. Je ne vis personne, et arrivé à la maison, j’ouvris la porte sans frapper. Il ne faisait pas nuit encore, et j’entrai d’un pas léger et timide.

Dieu sait comme ma mémoire enfantine se réveilla dans mon esprit au moment où j’entrai dans le vestibule, en entendant la voix de ma mère quand je mis le pied dans le petit salon. Elle chantait à voix basse, tout comme je l’avais entendue chanter quand j’étais un tout petit enfant reposant dans ses bras. L’air était nouveau pour moi, et pourtant il me remplit le cœur à pleins bords, et je l’accueillis comme un vieil ami après une longue absence.

Je crus, à la manière pensive et solitaire dont ma mère murmurait