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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/122

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« Que faites-vous donc, folle que vous êtes ? dit ma mère en riant.

— Oh ! le drôle d’homme, s’écria Peggotty. Il veut m’épouser.

— Ce serait un très-bon parti pour vous, n’est-ce pas? dit ma mère.

— Oh ! je n’en sais rien, dit Peggotty. Ne m’en parlez pas. Je ne voudrais pas de lui quand il aurait son pesant d’or. D’ailleurs je ne veux de personne.

— Alors, pourquoi ne le lui dites-vous pas ?

— Le lui dire, dit Peggotty on écartant un peu son tablier. Mais il ne m’en a jamais dit un mot lui-même. Il s’en garde bien. S’il avait l’audace de m’en parler je lui donnerais un bon soufflet. »

Elle était rouge, rouge comme le feu, mais elle se cacha de nouveau dans son tablier, et après deux ou trois violents accès d’hilarité, elle reprit son dîner.

Je remarquai que ma mère souriait quand Peggotty la regardait mais que sans cela elle avait pris un air sérieux et pensif. J’avais vu dès le premier moment qu’elle était changée. Son visage était toujours charmant, mais délicat et soucieux, et ses mains étaient si maigres et si blanches qu’elles me semblaient presque transparentes. Mais un nouveau changement venait de se faire dans ses manières, elle semblait inquiète et agitée. Enfin elle avança la main et la posa sur celle de sa vieille servante en lui disant d’un ton affectueux.

« Peggotty, ma chère, vous n’allez pas vous marier ?

— Moi, madame, répondit Peggotty en ouvrant de grands yeux, bien certainement non !

— Pas tout de suite ? insista tendrement ma mère.

— Jamais, dit Peggotty. »

Ma mère !ui prit la main et lui dit

« Ne me quittez pas, Peggotty, restez avec moi. Ce ne sera peut-être pas bien long. Qu’est-ce que je deviendrais sans vous ?

— Moi, vous quitter, ma chérie ! s’écria Peggotty. Pas pour tout l’or du monde. Mais qui est-ce qui a pu mettre une semblable idée dans votre petite tête ? » Car Peggotty avait depuis longtemps l’habitude de parler quelquefois à ma mère comme à un enfant.

Ma mère ne répondit que pour remercier Peggotty, qui continua à sa façon.