Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/126

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— Pour ce qui est de ça, je n’en ai jamais parlé, dit Peggotty.

— Non, dit ma mère. Vous ne parlez jamais, mais vous insinuez toujours, c’est ce que je vous disais tout à l’heure, c’est votre mauvais côté. Je vous disais à l’instant que je vous comprenais, et vous voyez que c’était vrai. Quand vous parlez des bonnes intentions de M. Murdstone et que vous avez l’air de les mépriser (ce que vous ne faites pas au fond du cœur, j’en, suis sûre, Peggotty), vous devriez être aussi convaincue que moi que ses intentions sont bonnes en toutes choses. S’il semble un peu sévère avec quelqu’un (vous comprenez bien, Peggotty, et Davy aussi, j’en suis sûre, que je ne parle pas de quelqu’un de présent), c’est seulement parce qu’il est convaincu que c’est pour le bien de cette personne. Il aime naturellement cette personne à cause de moi, et il n’agit que pour son bien. Il est plus en état d’en juger que moi, car je sais bien que je suis une pauvre créature jeune, faible et légère, tandis que lui, c’est un homme ferme, grave et sérieux, et qu’il prend beaucoup de peine pour l’amour de moi, dit ma mère le visage inondé de larmes qui prenaient leur source dans un cœur affectueux ; je lui en dois beaucoup de reconnaissance, et je ne saurais assez le lui prouver par ma soumission, même dans mes pensées ; et quand j’y manque, Peggotty, je me le reproche, et je doute de mon propre cœur, et je ne sais que devenir. »

Peggotty, le menton appuyé sur le pied da bas qu’elle raccommodait, regardait le feu en silence.

« Allons ! Peggotty, dit ma mère en changeant de ton, ne nous fâchons pas, je ne pourrais pas m’y résoudre. Vous êtes une amie fidèle, si j’en ai une au monde, je le sais bien. Quand je vous dis que vous êtes ridicule, ou insupportable, ou quelque chose de ce genre, Peggotty, cela veut seulement dire que vous êtes ma bonne et fidèle amie depuis le jour où M. Copperfield m’a amenée ici, et où vous êtes venue à la grille pour me recevoir. »

Peggotty ne se fit pas prier pour ratifier le traité d’amitié en m’embrassant de tout son cœur. Je crois que je comprenais un peu, au moment même, le vrai sens de la conversation, mais je suis sûr maintenant que la bonne Peggotty l’avait provoquée et soutenue pour donner à ma mère l’occasion de se consoler, en la contredisant un peu. Le but était atteint, car je me rappelle que ma mère parut plus à l’aise le reste de la soirée, et que Peggotty l’observa de moins près.