Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/138

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« C’est bon.

— Mon pète, dit Marie en riant, voua serez bientôt gros comme un muid.

— C’est vrai, ma chère ! je ne sais pas ce que ça veut dire, répliqua-t-il en y réfléchissant. Le fait est que j’en prends le chemin.

— C’est qu’aussi vous vivez bien, dit Marie, et vous ne vous faites pas de mauvais sang.

— Et pourquoi m’en ferais-je ? cela ne me servirait à tien, ma chère, dit M. Omer.

— Non, sans doute, répondit sa fille. Nous sommes tous assez gais, ici, grâce à Dieu, n’est-ce pas, mon père ?

— Je l’espère, ma chère, dit M. Omer. Maintenant que j’ai repris haleine, je vais prendre la mesure de ce jeune écolier. Voulez-vous venir dans la boutique, monsieur Copperfield ? »

Je passai devant M. Omer, qui m’en fit la politesse, et après m’avoir montré un ballot de drap « Extra-superfin, me dit-il, et trop beau pour faire des habits de deuil en toute autre occasion que pour la perte d’un père ou d’une mère, il prit ma mesure et écrivit dans un livre mes dimensions en tous sens. Tout en notant ces renseignements, il appela mon attention sur les objets qui remplissaient son magasin, et me montra des modes qui venaient de paraître et d’autres qui venaient de passer.

« C’est comme cela que nous perdons beaucoup d’argent, dit M. Orner ; mais les modes sont comme les humains, elles vous arrivent personne ne sait quand, ni comment, ni pourquoi et elles passent sans que personne sache davantage ni quand, ni pourquoi, ni comment ; sous ce rapport, c’est comme la vie, tout à fait la même chose. »

J’étais trop triste pour discuter la question, qui, d’ailleurs, aurait peut-être été au-dessus de moi, et M. Omer me ramena dans la chambre où travaillait sa fille, en respirant avec quelque peine en chemin.

Il ouvrit ensuite une porte qui donnait sur un petit escalier qui m’avait l’air d’un vrai casse-cou, et cria :

« Montez le thé, le pain et le beurre. »

Les rafraîchissements firent leur apparition sur un plateau, au bout d’un moment que j’avais passé à réfléchir, en écoutant la bruit des aiguilles dans la chambre et l’air qui résonnait sous les marteaux de l’autre côté de la cour. Ce déjeuner m’était destiné.