Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous offrir que mes conseils. Cependant, mes avis valent la peine d’être écoutés, surtout… en un mot, parce que je ne les ai jamais suivis moi-même, et que… » Ici M. Micawber qui souriait et me regardait d’un air rayonnant, s’arrêta, fronça les sourcils, puis reprit : « Vous voyez comme je suis devenu misérable.

— Mon cher Micawber, s’écria sa femme.

— Je dis, reprit M. Micawber en s’oubliant et en souriant de nouveau : devenu misérable. Mon avis est ceci : « Ne remettez jamais au lendemain ce que vous pouvez faire aujourd’hui. » La temporisation est un vol fait à la vie. Prenez l’occasion aux cheveux.

— C’était la maxime de mon pauvre papa, dit mistress Micawber.

— Ma chère, dit M. Micawber, votre papa était un très-brave homme, et Dieu me garde de dire un mot qui pût le rabaisser dans l’esprit de Copperfield. En tout cas, il n’est pas probable que… en un mot, nous ne ferons jamais la connaissance d’un homme de son âge ayant des jambes aussi bien tournées dans ses guêtres, ni en état de lire un livre aussi fin sans lunettes. Mais il a appliqué cette maxime à notre mariage, ma chère, avec tant de vivacité, que je ne suis pas encore remis de cette dépense précipitée.

M. Micawber jeta un coup d’œil sur mistress Micawber, puis ajouta : « Non pas que je le regrette, ma chère ; tout au contraire. » Et il garda le silence un moment.

« Vous connaissez mon second conseil, Copperfield, dit M. Micawber :

Revenu annuel, vingt livres sterling ; dépense annuelle, dix-neuf livres, dix-neuf shillings, six pence ; résultat : bonheur.

Revenu annuel, vingt livres sterling ; dépense annuelle, vingt livres six pence ; résultat : misère. La fleur est flétrie, la feuille tombe, le Dieu du jour disparaît, et… en un mot, vous êtes à jamais enfoncé comme moi ! »

Et pour rendre son exemple plus frappant, M. Micawber but un verre de punch d’un air de grande satisfaction, et se mit à siffler un petit air de chasse.

Je ne manquai pas de l’assurer que je ne perdrais jamais ces préceptes de vue, ce qui était assez inutile, car il était évident que les résultats vivants que j’avais eus sous les yeux avaient fait une grande impression sur moi. Le lendemain de