Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/199

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Oh ! mes yeux, mes membres ! qu’est-ce que vous voulez ? Oh ! mes poumons, mon estomac ! qu’est-ce que vous voulez ? Oh ! Goooo ! Goooot ! »

Je fus si épouvanté par ces paroles, et surtout par cette dernière manifestation de son émotion, qui ressemblait à une sorte de râle inconnu, que je ne pus rien répondre, sur quoi le vieillard, qui me tenait toujours par les cheveux, reprit : « Oh ! qu’est-ce que vous voulez ? Oh ! mes yeux, mes membres ! qu’est-ce que vous voulez ? Oh ! mes poumons, mon estomac ! que voulez-vous ? Oh ! Goooo, » et il poussa ce dernier cri avec une telle énergie que les yeux lui sortaient de la tête.

— C’était pour savoir, dis-je en tremblant, si vous ne voudriez pas acheter une veste.

— Oh ! voyons la veste, cria le vieillard. Oh ! j’ai le cœur en feu ! voyons la veste. Oh ! mes yeux, mes membres ! montrez-moi cette veste. »

Là dessus il lâcha mes cheveux, et de ses mains tremblantes, qui ressemblaient aux serres d’un oiseau monstre, il ajusta sur son nez une paire de lunettes qui faisaient paraître ses yeux plus rouges encore.

« Oh ! combien demandez-vous de cette veste ? cria le vieillard après l’avoir examinée. Oh ! Goooo ! combien en demandez-vous ? »

— Trois shillings, répondis-je en me remettant un peu.

— Oh ! mes poumons, mon estomac ! non, cria le vieillard. Oh ! mes yeux ; non ! Oh ! mes membres ; non deux shillings Goooo ! »

Toutes les fois qu’il poussait cette exclamation, les yeux semblaient prêts à lui sortir de la tête, et il prononçait toutes ses phrases sur une espèce d’air toujours le même, assez semblable à un coup de vent qui commence doucement, grossit, grossit, et finit par s’apaiser en grondant.

« Eh bien ! dis-je enchanté d’avoir fini le marché, j’accepte deux shillings.

— Oh ! mon estomac ! cria le vieillard en jetant la veste sur une planche. Allez-vous-en. Oh ! mes poumons ! sortez de la boutique. Oh ! mes yeux, mes membres ! Goooo ! Ne demandez pas d’argent ; faisons plutôt un troc. »

Je n’ai jamais été si effrayé de ma vie ; mais je lui dis humblement que j’avais besoin d’argent, et que tout autre objet me serait inutile ; seulement que je l’attendrais à la porte puisqu’il le désirait, et que je n’avais aucune envie