Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Miséricorde ! » ce qui ne contribuait pas à calmer mes inquiétudes.

La nappe enlevée, on apporta du vin de Xérès, et ma tante m’en donna un verre, puis elle envoya chercher M. Dick, qui arriva aussitôt et prit son air le plus grave quand elle le pria de faire attention à mon histoire, qu’elle me fit raconter graduellement en réponse à une série de questions. Durant mon récit, elle tint les yeux fixés sur M. Dick, qui sans cela se serait endormi, je crois, et quand il essayait de sourire, ma tante, le rappelait à l’ordre en fronçant les sourcils.

« Je ne puis concevoir de quelle fantaisie cette pauvre enfant a été prise d’aller se remarier, dit ma tante quand j’eus fini.

— Peut-être avait-elle de l’amour pour son second mari, suggéra M. Dick.

— De l’amour ! répéta ma tante. Que voulez-vous dire ? qu’est-ce qu’elle avait besoin de çà ?

— Peut-être, dit M. Dick d’un air malin, après un moment de réflexion, peut-être que ça lui faisait plaisir.

— Plaisir, en vérité répliqua ma tante ; un beau plaisir, vraiment, pour cette pauvre enfant, d’aller donner son petit cœur au premier mauvais sujet venu qui ne pouvait manquer de la maltraiter d’une façon ou d’une autre. Que voulait-elle de plus, je vous le demande ? Elle avait eu un mari. Elle avait trouvé David Copperfield, qui avait eu la rage des poupées de cire depuis son berceau. Elle avait un enfant (oh à eux deux ils faisaient bien la paire) quand elle mit au monde celui que voici, ce fameux vendredi soir ! Et que voulait-elle de plus, je vous le demande ? »

M. Dick secoua la tête mystérieusement comme s’il pensait qu’il n’y avait rien à répondre à ça.

« Elle n’a même pas pu avoir un enfant comme tout le monde, continua ma tante. Qu’a-t-elle fait de la sœur de ce garçon, Betsy Trotwood ? il n’en a seulement pas été question ! Tenez, ne m’en parlez pas ! »

M. Dick avait l’air très-effrayé.

«  Le petit médecin avec la tête de côté, dit ma tante, Chillip, je crois, un nom comme ça, qu’est-ce qu’il faisait là ? Il ne savait dire avec sa voix de rouge-gorge que son éternel « C’est un garçon ! » Un garçon ! Ah ! quels imbéciles que tous ces gens-là ! »

La vivacité de l’expression troubla extrêmement M. Dick et moi aussi, à dire le vrai.