Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/230

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que vous la vissiez (et il est au-dessus de la raison humaine de comprendre pourquoi il est entré dans les vues mystérieuses de la Providence que vous la vissiez jamais), il était clair que cette pauvre petite créature se remarierait un jour ou l’autre, mais j’espérais que cela ne tournerait pas aussi mal ; c’était à l’époque où elle mit au monde son fils que voici, monsieur Murdstone ; ce pauvre enfant dont vous vous êtes servi parfois pour la tourmenter plus tard, ce qui est un souvenir désagréable, et vous rend maintenant sa vue odieuse. Oui, oui, vous n’avez pas besoin de tressaillir, continua ma tante, je n’ai pas besoin de ça pour savoir la vérité. »

II était resté tout le temps debout près de la porte, la regardant fixement, le sourire sur les lèvres, mais en fronçant ses épais sourcils. Je remarquai alors que tout en souriant encore, il avait pâli soudain, et qu’il semblait respirer comme un homme qui vient de perdre haleine à la course.

« Bonjour, monsieur, dit ma tante, et adieu. Bonjour, mademoiselle, continua-t-elle en se tournant brusquement vers la sœur. Si je vous vois jamais passer avec un âne sur ma pelouse, aussi sûr que vous avez une tête sur vos épaules, je vous arracherai votre chapeau et je trépignerai dessus ! »

Il faudrait un peintre, et un peintre d’un talent rare pour rendre l’expression du visage de ma tante, en faisant cette déclaration inattendue, et celle de miss Murdstone en l’entendant. Mais le geste n’était pas moins éloquent que la parole, miss Murdstone, en conséquence, ne répondit pas, prit discrètement le bras de son frère et sortit majestueusement de la maison. Ma tante, toujours à la fenêtre, les regardait s’éloigner, toute prête, sans aucun doute, à mettre à l’instant même sa menace à exécution, dans le cas où reparaîtrait l’âne.

Nulle tentative n’ayant eu lien pour répondre à ce défi, le visage de ma tante se radoucit peu à peu, si bien que je m’enhardis à la remercier et à l’embrasser, ce que je fis de tout mon cœur, en passant mes bras autour de son cou. Je donnai ensuite une poignée de mains à M. Dick, qui répéta cette cérémonie plusieurs fois de suite, et qui salua l’heureuse issue de l’affaire en éclatant de rire toutes les cinq minutes.

« Vous vous regarderez comme étant de moitié avec moi le tuteur de cet enfant, monsieur Dick, dit ma tante.

— Je serai enchanté, dit M. Dick, d’être le tuteur du fils de David.

— Très-bien, dit ma tante, voilà qui est convenu. Je