Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il a changé d’idée en ce cas, je n’ai plus rien dire ; plus tôt je partirai, mieux cela vaudra. Je suis donc revenu pour vous dire que plus tôt je serai en route, mieux cela vaudra. Quand il faut piquer une tête dans la rivière, à quoi bon lanterner sur la planche ?

— Eh bien ! puisque lanterner il y a on ne lanternera pas, M. Maldon, vous pouvez compter là-dessus, dit M. Wiekfield.

— Merci, dit l’autre, je vous suis fort obligé. À cheval donné on ne regarde pas aux dents ; ce ne serait pas aimable ; sans cela, je dirais qu’on aurait pu laisser ma cousine Annie arranger les choses à sa manière. Je suppose qu’elle n’aurait eu qu’à dire au vieux docteur…

— Vous voulez dire que mistress Strong n’aurait eu qu’à dire à son mari… n’est-ce pas ? dit M. Wickfield.

— Parfaitement, repartit l’autre, elle n’aurait eu qu’à dire qu’elle désirait que les choses fussent arrangées d’une certaine manière pour que cela se fît tout naturellement.

— Et pourquoi tout naturellement, M. Maldon ? demanda M. Wickfield en continuant tranquillement son dîner.

— Ah ! parce qu’Annie est une charmante jeune femme, et que le vieux docteur, le docteur Strong, je veux dire, n’est pas précisément un jeune homme, dit M. Jack Maldon en riant. Je ne veux blesser personne, monsieur Wickfield. Je veux seulement dire que je suppose qu’il est nécessaire et raisonnable que, dans un mariage de ce genre, on trouve au moins des compensations.

— Des compensations pour la femme, monsieur ? demanda gravement M. Wickfield.

— Pour la femme, monsieur, répondit M. Jack Maldon en riant. »

Mais s’apercevant que M. Wickfield continuait son dîner, du même air grave et impassible, et qu’il n’y avait point d’espoir de lui faire détendre un muscle de son visage, il ajouta :

« Du reste, j’ai dit tout ce que je voulais dire, je vous demande de nouveau pardon de mon indiscrétion, je vais me retirer. Il va sans dire que je suivrai vos avis, et que je considérerai cette affaire comme devant être traitée exclusivement entre vous et moi ; je n’y ferai aucune allusion chez le docteur.

— Avez-vous dîné ? demanda M. Wickfield en lui montrant la table.

— Merci, dit M. Maldon, je vais dîner chez ma cousine Annie, adieu. »