Quand la servante tapa à ma porte le lendemain matin, pour m’annoncer que l’eau chaude pour ma barbe était à la porte, je pensai avec chagrin que je n’en avais pas besoin, et j’en rougis dans mon lit. Le soupçon qu’elle riait sous cape en me faisant cette offre, me poursuivit pendant tout le temps de ma toilette, et me donna, j’en suis sûr, l’air embarrassé d’un coupable quand je la rencontrai sur l’escalier en descendant pour déjeuner. Je sentais si vivement que j’étais plus jeune que je ne l’aurais souhaité que je ne pus me décider pendant un moment à passer auprès d’elle ; je l’entendais balayer l’escalier, et je restais près de la fenêtre à regarder la statue équestre du roi Charles, quoiqu’elle n’eût rien de bien royal, entourée qu’elle était d’un dédale de fiacres, sous une pluie battante et par un brouillard épais ; le garçon me tira d’embarras en m’avertissant que Steerforth m’attendait.
Je le trouvai, non pas dans la salle commune, mais dans un joli petit salon particulier, avec des rideaux rouges et un tapis de Turquie. Le feu était brillant, et un déjeuner substantiel était servi sur une petite table couverte d’une nappe blanche ; la chambre, le feu, le déjeuner et Steerforth se réfléchissaient gaiement dans une petite glace ovale placée au-dessus du buffet. J’étais un peu gêné d’abord. Steerforth était si élégant, si sûr de son fait, tellement au-dessus de moi en toutes choses, l’âge compris, qu’il fallut toute la grâce protectrice de ses manières pour me mettre à l’aise. Il y réussit pourtant, et je ne pouvais me lasser d’admirer le changement qui s’était opéré à la Croix-d’Or, quand je comparais le triste état d’abandon dans lequel j’étais plongé la veille avec le repas du matin et tout ce qui m’entourait maintenant. Quant à la familiarité du garçon, il n’en était plus question. Il nous servait avec l’humilité d’un pénitent qui a revêtu le cilice et la cendre.
« Maintenant, Copperfield, me dit Steerforth quand nous