Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/329

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fait autant d’ouvrage à elle seule que six ouvrières ensemble, n’est-ce pas, Minnie ?

— Oui, mon pare, répliqua Minnie. On ne dira pas que Je ne lui rends pas justice.

— Bien, dit M. Omer, c’est comme ça que ça doit être. Maintenant, monsieur, comme je n’ai pas envie que vous disiez que je fais des histoires bien longues pour un homme qui a l’haleine si courte, je crois qu’en voilà assez là-dessus. »

Ils avaient baissé la voix en parlant d’Émilie, d’où je conclus qu’elle n’était pas loin. Sur la question que j’en fis, M. Orner, d’un signe de tête, m’indiqua la porte de l’arrière-boutique. Je demandai précipitamment si je pouvais regarder, et en ayant reçu pleine permission, je m’approchai du carreau et je vis par la vitre Émilie à l’ouvrage. Elle était charmante, petite, avec les grands yeux bleus qui avaient jadis pénétré mon cœur, et elle riait en regardant un autre enfant de Minnie qui jouait auprès d’elle. Elle avait un petit air décidé qui rendait probable ce que je venais d’entendre dire de son caractère, et je retrouvai dans son regard des restes de son humeur capricieuse du temps passé, mais rien dans son joli visage ne faisait prévoir pour elle un autre avenir que le bonheur et la vertu… Pourtant l’ancien air, cet air qui ne cesse jamais, hélas ! le toc toc fatal retentissait toujours au fond de la cour.

« Vous plairait-il d’entrer pour lui parler, monsieur ? dit M. Omer. Entrez ! Faites comme chez vous ! »

J’étais trop timide pour accepter alors sa proposition ; j’avais peur de la troubler et de me troubler aussi, je demandai seulement à quelle heure elle rentrait chez elle le soir, pour choisir en conséquence le moment de notre visite ; et prenant congé de M. Omer, de sa jolie fille et de ses petits enfants, je me rendis chez ma bonne vieille Peggotty. Elle était là, dans sa cuisine, elle faisait le dîner. Elle m’ouvrit dès que j’eus frappé à la porte, et me demanda ce que je désirais. Je la regardai en souriant, mais elle, elle ne souriait pas du tout. Je n’avais jamais cessé de lui écrire, mais il y avait au moins sept ans qu’elle ne m’avait vu.

« M. Barkis est-il chez lui, madame ? dis-je en prenant une grosse voix de basse-taille.

— Il est à la maison, monsieur, dit Peggotty, mais il est au lit, malade de rhumatismes.

— Est-ce qu’il va encore à Blunderstone, maintenant ? demandai-je.