Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/335

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En un instant, il se fit un échange inouï de poignées de mains : tout le monde parlait à la fois : on se demandait des nouvelles les uns des autres ; on se disait la joie qu’on avait à se revoir. M. Peggotty était si fier et si heureux pour sa part qu’il ne savait que dire, et qu’il se bornait à me tendre la main, pour reprendre ensuite celle de Steerforth, puis la mienne, et à secouer ses cheveux crépus, en riant avec une telle expression de joie et de triomphe qu’il y avait plaisir à le regarder.

« Jamais on n’a vu, je crois, chose pareille, dit M. Peggotty ; ces deux messieurs, de véritables messieurs sous mon toit ce soir, sérieusement, ce soir ! Émilie, ma chérie, venez ici venez ici, petite sorcière ! voilà l’ami de M. David, ma chère ! Voilà le monsieur dont vous avez entendu parler, Émilie. Il vient avec M. David pour vous voir ; c’est le plus beau jour de la vie de votre oncle, quoi qu’il puisse lui arriver par la suite ! Hourrah ! »

Après avoir prononcé ce discours d’un seul trait, et avec une animation et une joie sans bornes, M. Peggotty prit dans ses grandes mains la figure de sa nièce, et après l’avoir embrassée de tout son cœur une dizaine de fois, appuya cette petite tête contre sa large poitrine, en caressant les cheveux d’Émilie aussi doucement qu’eût pu le faire la main d’une dame. Puis il la laissa aller : elle s’enfuit dans la petite chambre où je couchais autrefois, et M. Peggotty, hors d’haleine, grâce à la satisfaction inaccoutumée qu’il éprouvait, se retourna vers nous.

« Messieurs, dit-il, si deux messieurs comme vous, des messieurs de naissance…

— C’est vrai, c’est vrai ! criait Ham. Bien dit c’est la vérité, M. David ! Des messieurs de naissance ! c’est la vérité !

— Si deux messieurs, deux messieurs de naissance, ne peuvent m’excuser d’être un peu bouleversé quand ils apprendront l’état des choses, je vous demande pardon. Émilie, ma chère ! Elle sait ce que je vais dire, c’est pour cela qu’elle s’est sauvée. » Là-dessus sa joie éclata de nouveau : « Mistress Gummidge, voulez-vous avoir la bonté de voir ce qu’elle est devenue ? »

Mistress Gummidge fit un signe de tête et disparut.

« Si ce jour n’est pas le plus beau de ma vie, dit M. Peggotty, en s’asseyant près du feu, je veux bien être un homard, et un homard bouilli, qui plus est. Cette petite Émilie, monsieur,