Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/35

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à songer à la profonde tendresse avec laquelle elle me serra de nouveau dans ses bras.

Elle restait debout, seule sur la route, M. Murdstone s’approcha d’elle, et il me sembla qu’il lui reprochait d’être trop émue. Je le regardais à travers les barreaux de la carriole, tout en me demandant de quoi il se mêlait. Peggotty qui se retournait aussi de l’autre côté, avait l’air fort peu satisfait, ce que je vis bien quand elle regarda de mon côté.

Pour moi, je restai longtemps occupé à contempler Peggotty, tout en rêvant à une supposition que je venais de faire : si Peggotty avait l’intention de me perdre comme le petit Poucet dans les contes de fées, ne pourrais-je pas toujours retrouver mon chemin à l’aide des boutons et des agrafes qu’elle laisserait tomber en route ?


Le cheval du voiturier était bien la plus paresseuse bête qu’on puisse imaginer (du moins je l’espère) ; il cheminait lentement, la tête pendante, comme s’il se plaisait à faire attendre les pratiques pour lesquelles il transportait des paquets. Je m’imaginais même parfois qu’il éclatait de rire à cette pensée, mais le voiturier m’assura que c’était un accès de toux, parce qu’il était enrhumé.

Le voiturier avait, lui aussi, l’habitude de se tenir la tête pendante, le corps penché en avant tandis qu’il conduisait, en dormant à moitié, les bras étendus sur ses genoux. Je dis tandis qu’il conduisait, mais je crois que la carriole aurait aussi bien pu aller à Yarmouth sans lui, car le cheval se conduisait tout seul ; et quant à la conversation, l’homme n’en avait pas d’autre que de siffler.

Peggotty avait sur ses genoux un panier de provisions, qui aurait bien pu durer jusqu’à Londres, si nous y avions été par le même moyen de transport. Nous mangions et nous dormions alternativement. Peggotty s’endormait régulièrement le menton appuyé sur l’anse de son panier, et jamais, si je ne l’avais