Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/361

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courts, elle n’en avait pas moins le nez long. Il ajouta qu’elle avait dit la vérité en se vantant d’être à la fois à droite, à gauche et en tous lieux, car elle faisait de temps en temps des excursions en province ; elle y ramassait toujours quelques pratiques et finissait par connaître tout le monde. Je lui demandai quel était son caractère, si la malignité en faisait le fond, et si sa sympathie se trouvait en général du bon côté ; mais voyant que mes questions n’avaient pas le don de l’intéresser, après deux ou trois tentatives malheureuses, je renonçai à les renouveler. Au lieu de ce que je lui demandais, il se contenta de me conter en l’air une foule de détails sur son habileté et ses profits ; il m’apprit même qu’elle était très-adroite à poser des ventouses dans le cas où j’aurais besoin de lui demander ce genre de service.

Miss Mowcher fut donc le principal sujet de notre conversation ce soir-là, et en nous séparant pour la nuit, Steerforth se pencha encore sur la rampe de l’escalier, pendant que je descendais, pour me répéter « Boun’soir. »

Je fus très-étonné, en arrivant devant la maison de M. Barkis, de trouver Ham qui marchait en long et en large, et plus surpris encore d’apprendre que la petite Émilie était chez sa tante. Je demandai naturellement pourquoi Ham n’entrait pas au lieu de se promener en long et en large dans la rue.

« Voyez-vous, monsieur David, dit-il en hésitant, c’est qu’Émilie est en train de parler avec quelqu’un.

— J’aurais cru, dis-je en souriant, que c’était une raison de plus pour que vous y fussiez aussi, Ham.

— Oui, monsieur David, c’est vrai, en général, répliqua-t-il, mais voyez-vous, monsieur David, dit-il en baissant la voix et en parlant d’un ton grave, c’est une jeune femme, monsieur, une jeune femme qu’Émilie a connue autrefois, et qu’elle ne doit plus voir. »

Ses paroles furent un trait de lumière qui vint éclairer mes doutes sur la personne que j’avais vue suivre Émilie quelques heures auparavant.

« C’est une pauvre femme, monsieur David, qui est vilipendée par toute la ville, de droite et de gauche. Il n’y a pas un mort dans le cimetière dont le revenant soit plus capable de faire sauver tout le monde.

— N’est-ce pas elle que j’ai vue ce soir sur la plage, après vous avoir quitté ?

— Qui nous suivait ? dit Ham. C’est probable, monsieur David.