Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/363

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la petite bourse dans sa main calleuse, comment aurais-je pu lui refuser de porter cela ici, quand je savais si bien ce qu’elle en voulait faire ? Un petit joujou comme ça, dit IIam en regardant la bourse d’un air pensif, et si peu garni d’argent ! chère Émilie ! »

Je lui donnai une poignée de main quand il eut remis la bourse dans sa poche, car je ne savais comment lui exprimer mieux ma sympathie, et nous continuâmes à marcher de long en large, gardant le silence pendant quelques minutes. La porte s’ouvrit alors ; Peggotty parut et fit signe la Ham d’entrer. J’aurais voulu rester en arrière, mais elle revint me prier d’entrer aussi. Je n’en aurais pas moins évité de passer par la chambre où l’on était réuni, mais ils étaient dans cette cuisine proprette dont j’ai parlé et la porte de la rue y donnait directement, en sorte que je me trouvai au milieu du groupe avant de savoir où j’allais.

La jeune fille que j’avais vue sur la plage était près du feu. Elle était assise par terre, la tête et le bras appuyés sur une chaise qu’Émilie venait de quitter, j’imagine, et sur laquelle elle avait tenu sans doute la tête de la pauvre abandonnée posée sur ses genoux. Je vis à peine sa figure, ses cheveux étaient épars comme si elle les avait défaits de ses propres mains. Cependant je pus voir qu’elle était jeune et qu’elle avait un beau teint. Peggotty avait pleuré, la petite Émilie aussi. Pas un mot ne fut prononcé au moment de notre arrivée, et le tic tac de la vieille horloge hollandaise à côté du dressoir semblait deux fois plus fort qu’à l’ordinaire dans ce profond silence.

Émilie parla la première.

« Marthe voudrait aller à Londres, dit-elle à Ham.

— Pourquoi à Londres ? répondit Ham.

Il était debout entre elles et regardait la jeune fille étendue à terre, avec un mélange de compassion pour elle et de déplaisir de la voir dans la société de celle qu’il aimait tant. Je me suis toujours rappelé ce regard. Ils parlaient tout bas l’un et l’autre comme si elle était malade, mais on entendait tout distinctement, quoique leurs voix s’élevassent à peine au-dessus d’un murmure.

« Je serai mieux là qu’ici, dit tout haut une troisième voix, celle de Marthe, qui restait toujours à terre. Personne ne m’y connaît : tout le monde me connaît ici.

— Que fera-t-elle là-bas ? » demanda Ham. Elle se souleva, le regarda un moment d’un air sombre, puis, baissant la tête de