Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/405

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semblait qu’elle ne devait pas être à son aise, Je fus presque content de lui entendre dire qu’elle devait retourner chez elle au bout de peu de jours, malgré tous mes regrets de la perdre si vite. L’idée de cette séparation prochaine m’engagea à rester jusqu’à la fin de la soirée. Je me rappelais avec tant de plaisir, en causant avec elle et en l’entendant vanter l’heureuse vie que j’avais menée dans la vieille et grave maison qu’elle parait de tant de charmes, que j’aurais volontiers passé ainsi la moitié de la nuit. Mais à la fin, je n’avais plus d’excuses pour rester plus longtemps ; toutes les lumières de la soirée de M. Waterbrook étaient éteintes, et je fus bien obligé de partir à mon tour. Je sentis alors plus que jamais qu’elle était mon bon ange, et, en voyant son doux sourire et son visage serein, si je crus que c’étaient ceux d’un ange qui brillaient sur moi d’une sphère éloignée, j’espère qu’on me pardonnera cette illusion innocente.

J’ai dit que toute la société s’était retirée, j’aurais dû en excepter Uriah que je ne comprenais pas dans cette catégorie, et qui n’avait pas cessé de nous poursuivre. Il descendit l’escalier derrière moi. Il sortit de la maison derrière moi, et je le vois encore, faisant glisser sur ses longs doigts de squelette les doigts plus longs encore d’une paire de gants, qui semblaient faits pour la main de Guy Fawkes.

Je n’étais pas d’humeur à me soucier de la compagnie d’Uriah, mais je me souvins de la prière d’Agnès, et je lui demandai s’il voulait venir chez moi prendre une tasse de café.

« Oh ! vraiment, M. Trotwood, répliqua-t-il, je devrais dire M. Copperfield, mais l’autre nom me vient tout naturellement à la bouche… je ne voudrais pas vous gêner ; ne vous croyez pas obligé, je vous prie, d’inviter un humble personnage comme moi à venir chez vous.

— Cela ne me gêne pas, répondis-je, voulez-vous venir ?

— J’en serais bien heureux, répliqua Uriah, en se tortillant.

— Eh bien ! alors, venez ! »

Je ne pouvais m’empêcher de lui parler un peu sèchement, mais il n’avait pas l’air de s’en apercevoir. Nous prîmes le chemin le plus court, sans entretenir grande conversation en route, et il avait poussé l’humilité jusqu’à ne faire autre chose tout le long du chemin, que de mettre perpétuellement ses abominables gants ; il les mettait encore quand nous arrivâmes à ma porte.

L’escalier était sombre, et je le pris par la main pour éviter