Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/407

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un renseignement qui regardait Agnès, quelque insignifiant qu’il pût être, mais je me contentai de boire mon café.

« Comme vous avez été bon prophète, monsieur Copperfield, poursuivit-il, comme vous avez vu les choses de loin ! Vous rappelez-vous que vous m’avez dit un jour que je deviendrais peut-être l’associé de M. Wickfield, et qu’alors l’étude porterait les noms de Wickfield et Heep ! Vous ne vous en souvenez peut-être pas ; mais une personne humble comme moi, M. Copperfield, n’oublie pas ces choses-là.

— Je me rappelle vous en avoir parlé, lui dis-je, quoique certainement cela ne me parût pas très-probable alors.

— Et qui aurait pu le croire probable, monsieur Copperfield ! dit Uriah avec enthousiasme. Ce n’était pas moi, toujours ! Je me rappelle vous avoir dit moi-même que ma position était beaucoup trop humble et je vous disais là bien véritablement ce que je pensais. »

Il regardait le feu avec une grimace de possédé, et moi je le regardais.

« Mais les individus les plus humbles, monsieur Copperfield, peuvent servir d’instrument pour faire le bien, reprit-il. Je suis heureux d’avoir pu servir d’instrument au bonheur de M. Wickfield, et j’espère lui rendre encore des services. Quel excellent homme, monsieur Copperfield, mais comme il a été imprudent !

— Je suis bien fâché de ce que vous me dites là, lui dis-je, et je ne pus m’empêcher d’ajouter d’un ton significatif… sous tous les rapports.

— Certainement, monsieur Copperfield, répliqua Uriah, sous tous les rapports. Pour miss Agnès par-dessus tout ! Vous ne vous rappelez pas, monsieur Copperfield, l’éloquente expression dont vous vous êtes servi en me parlant d’elle, mais moi je me la rappelle bien. Vous m’avez dit un jour que tout le monde lui devait de l’admiration, et je vous en ai bien remercié, mais vous avez oublié tout cela naturellement, monsieur Copperfield ?

— Non, dis-je sèchement.

— Oh ! combien j’en suis heureux, s’écria Uriah ! quand je pense que c’est vous qui avez le premier allumé une étincelle d’ambition dans mon humble cœur et que vous ne l’avez pas oublié ! Oh !… voulez-vous me permettre de vous demander encore une tasse de café ?  »

Il y avait quelque chose dans l’emphase qu’il avait mise à