Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/416

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Crupp était très-sujette à une indisposition extraordinaire qu’elle appelait des espasmes, généralement accompagnée d’une inflammation dans les fosses nasales et qui exigeait pour traitement une consommation perpétuelle d’absinthe ; la seconde, c’est qu’il fallait qu’il y eût quelque chose de particulier dans la température de mon office, qui fit casser les bouteilles d’eau-de-vie ; enfin je découvris que j’étais seul au monde, et j’étais fort enclin à rappeler cette circonstance dans des fragments de poésie nationale de ma composition.

Le jour de mon installation définitive chez MM. Spenlow et Jorkins ne fut marqué par aucune autre réjouissance, si ce n’est que je régalai les clercs au bureau de sandwiches et de xérès, et que je me régalai tout seul, le soir, d’un spectacle. J’allai voir l’Étranger comme une pièce qui ne dérogeait pas à la dignité de la cour des Doctors’-Commons, et j’en revins dans un tel état que je ne me reconnaissais plus dans la glace. M. Spenlow me dit à l’occasion de mon installation, en terminant nos arrangements, qu’il aurait été heureux de m’inviter à venir passer la soirée chez lui à Norwood, en l’honneur des relations qui s’établissaient entre lui et moi, mais que sa maison était un peu en désordre parce qu’il attendait le retour de sa fille qui venait de finir son éducation à Paris. Mais il ajouta que, lorsqu’elle serait arrivée, il espérait avoir le plaisir de me recevoir. Je savais en effet, qu’il était resté veuf avec une fille unique ; je le remerciai de ses bonnes intentions.

M. Spenlow tint fidèlement sa parole ; une quinzaine de jours après, il me rappela sa promesse en me disant que, si je voulais lui faire le plaisir de venir à Norwood le samedi suivant, pour y rester jusqu’au lundi, il en serait extrêmement heureux. Je répondis naturellement que j’étais tout prêt à lui donner ce plaisir, et il fut convenu qu’il m’emmènerait et me ramènerait dans son phaéton.

Le jour venu, mon sac de nuit même devint un objet de vénération pour les employés subalternes, pour lesquels la maison de Norwood était un mystère sacré. L’un d’eux m’apprit qu’il avait entendu dire que le service de table de M. Spenlow se composait exclusivement de vaisselle d’argent et de porcelaine de Chine, et un autre, qu’on y buvait du champagne tout le long du repas, comme on boit de la bière ailleurs. Le vieux clerc à perruque, qui s’appelait M. Tiffey, avait été plusieurs fois à Norwood, pour affaires, dans le courant