Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/51

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— Continuez, Peggotty, dis-je plus effrayé que jamais.

— Monsieur Davy, dit Peggotty en dénouant son chapeau d’une main tremblante et d’une voix entrecoupée, c’est que, voyez-vous, vous avez un papa ! »

Je tremblai, puis je pâlis. Quelque chose, je ne saurais dire quoi, quelque chose qui semblait venir du tombeau dans le cimetière, comme si les morts s’étaient réveillés, avait passé auprès de moi, répandant un souffle mortel.

« Un autre, dit Peggotty.

— Un autre ? » répétai-je.

Peggotty toussa légèrement, comme si elle avait avalé quelque chose qui lui raclât le gosier, puis me prenant la main, elle me dit :

« Venez le voir.

— Je ne veux pas le voir.

— Et votre maman », dit Peggotty.

Je ne reculai plus, et nous allâmes droit au grand salon, où elle me laissa. Ma mère était assise à un coin de la cheminée ; je vis M. Murdstone assis à l’autre. Ma mère laissa tomber son ouvrage et se leva précipitamment, mais timidement, à ce que je crus voir.

« Maintenant, Clara, ma chère, dit M. Murdstone, souvenez-vous ! Il faut vous contenir, il faut toujours vous contenir ! Davy, mon garçon, comment vous portez-vous ? »

Je lui tendis la main. Après un moment de suspens, j’allai embrasser ma mère : elle m’embrassa aussi, posa doucement la main sur mon épaule, puis se remit à travailler. Je ne pouvais regarder ni elle ni lui, mais je savais bien qu’il nous regardait tous deux ; je m’approchai de la fenêtre et je contemplai longtemps quelques arbustes que les frimas faisaient ployer sous leur poids.

Dès que je pus m’échapper, je montai l’escalier. Mon ancienne chambre que j’aimais tant était toute changée, et je devais habiter bien loin de là. Je redescendis pour voir si je trouverais quelque chose qui n’eût pas changé : tout me paraissait si différent ! j’errai dans la cour, mais bientôt je fus forcé de m’enfuir, car la niche, jadis vide, était maintenant occupée par un grand chien, à la gueule profonde et à la crinière noire, un vrai diable : à ma vue il s’était élancé vers moi comme pour me happer.