Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/94

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se tienne à l’écart. Je dis qu’il se tienne a l’écart, dit M. Creakle en tapant sur la table regardant mistress Creakle, car il me connaît. Vous devez commencer aussi à me connaître, mon petit ami. Vous pouvez vous en aller. Emmenez-le.

J’étais bien content qu’il me renvoyât, car mistress Creakle et miss Creakle s’essuyaient les yeux, et je souffrais autant pour elles que pour moi. Mais j’avais à lui adresser une pétition qui avait pour moi tant d’intérêt que je ne pus m’empêcher de lui dire, tout en admirant mon courage :

« Si vous vouliez bien, monsieur. »

M. Creakle murmura : « Hein ? Qu’est-ce que ceci veut dire ? et baissa les yeux sur moi, comme s’il avait envie de me foudroyer d’un regard.

— Si vous vouliez bien, monsieur, balbutiai-je, si je pouvais (je suis bien fâché de ce que j’ai fait, monsieur) ôter cet écriteau avant le retour des élèves.

Je ne sais si M. Creakle eut vraiment envie de sauter sur moi, ou s’il avait seulement l’intention de m’effrayer, mais il s’élança hors de son fauteuil et je m’enfuis comme un trait, sans attendre l’homme à la jambe de bois ; je ne m’arrêtai que dans le dortoir, où je me fourrai bien vite dans mon lit, où je restai à trembler, pendant plus de deux heures.

Le lendemain matin M. Sharp revint. M. Sharp était le second de M. Creakle, le supérieur de M. Mell. M. Mell prenait ses repas avec les élèves, mais M. Sharp dînait et soupait à la table de M. Creakle. C’était un petit monsieur à l’air délicat, avec un très-grand nez ; il portait sa tête de côté, comme si elle était trop lourde pour lui. Ses cheveux étaient longs et ondulés, mais j’appris par le premier élève qui revint, que c’était une perruque (une perruque d’occasion, me dit-il), et que M. Sharp portait tous les samedis pour la faire boucler.

Ce fut Tommy Traddles qui me donna ce renseignement. Il revint le premier. Il se présenta à moi en m’informant que je trouverais son nom au coin de la grille à droite, au devant du grand verrou ; je lui dis : « Traddles, » à quoi il me répondit : « lui-même, » puis il me demanda une foule de détails sur moi et sur ma famille.

Ce fut très-heureux pour moi que Traddles revînt le premier. Mon écriteau l’amusa tellement, qu’il m’épargna l’embarras de le montrer ou de le dissimuler, en me présentant à tous les élèves immédiatement après leur arrivée. Qu’ils fussent grande ou petits, il leur criait : « Venez vite ! voilà une