Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais après cette digression passons à Douvres.

Je trouvai tout dans un état très-satisfaisant, et je pus flatter les passions de ma tante en lui racontant que son locataire avait hérité de ses antipathies et faisait aux ânes une guerre acharnée. Je passai une nuit à Douvres pour terminer quelques petites affaires, puis je me rendis le lendemain matin de bonne heure à Canterbury. Nous étions en hiver : le temps frais et le vent piquant ranimèrent un peu mes esprits.

J’errai lentement au milieu des rues antiques de Canterbury avec un plaisir tranquille, qui me soulagea le cœur. J’y revoyais les enseignes, les noms, les figures que j’avais connus jadis. Il me semblait qu’il y avait si longtemps que j’avais été en pension dans cette ville, que je n’aurais pu comprendre qu’elle eût subi si peu de changements, si je n’avais songé que j’avais bien peu changé moi-même. Ce qui est étrange, c’est que l’influence douée et paisible qu’exerçait sur moi la pensée d’Agnès, semblait se répandre sur le lieu même qu’elle habitait. Je trouvais à toutes choses un air de sérénité, une apparence calme et pensive aux tours de la vénérable cathédrale comme aux vieux corbeaux dont les cris lugubres semblaient donner à ces bâtiments antiques quelque chose de plus solitaire que n’aurait pu le faire un silence absolu ; aux portes en ruines, jadis décorées de statues, aujourd’hui renversées et réduites en poussière avec les pèlerins respectueux qui leur rendaient hommage, comme aux niches silencieuses ou le lierre centenaire rampait jusqu’au toit le long des murailles pendantes aux vieilles maisons, comme au paysage champêtre ; au verger comme au jardin : tout semblait porter en soi, comme Agnès, l’esprit de calme innocent, baume souverain d’une âme agitée.

Arrivé à la porte de M. Wickfield, je trouvai M. Micawber qui faisait courir sa plume avec la plus grande activité dans la petite pièce du rez-de-chaussée où se tenait autrefois Uriah Heep. Il était tout de noir habillé, et sa massive personne remplissait complètement le petit bureau où il travaillait.

M. Micawber parut à la fois charmé et un peu embarrassé de me voir. Il voulait me mener immédiatement chez Uriah, mais je m’y refusai.

« Je connais cette maison de vieille date, lui dis-je, je saurai bien trouver mon chemin. Eh bien ! qu’est-ce que vous dites du droit, M. Micawber ?