Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ce ne serait pas digne de votre franchise habituelle, répliqua-t-elle. J’écrirais à ces deux dames ; je leur raconterais aussi simplement et aussi ouvertement que possible, tout ce qui s’est passé, et je leur demanderais la permission de venir quelquefois chez elles. Comme vous êtes jeune, et que vous n’avez pas encore de position dans le monde, je crois que vous feriez bien de dire que vous vous soumettez volontiers à toutes les conditions qu’elles voudront vous imposer. Je les conjurerais de ne pas repousser ma demande, sans en avoir fait part à Dora, et de la discuter avec elle, quand cela leur paraîtrait convenable. Je ne serais pas trop ardent, dit Agnès doucement, ni trop exigeant ; j’aurais foi en ma fidélité, en ma persévérance, et en Dora !

— Mais si Dora allait s’effaroucher, Agnès, quand on lui parlera de cela ; si elle allait se mettre encore à pleurer, sans vouloir rien dire de moi !

— Est-ce vraisemblable ? demanda Agnès, avec le plus affectueux intérêt.

— Ma foi, je n’en jurerais pas ! elle prend peur et s’effarouche comme un petit oiseau. Et si les miss Spenlow ne trouvent pas convenable qu’on s’adresse à elles (les vieilles filles sont parfois si bizarres)…

— Je ne crois pas, Trotwood, dit Agnès, en levant doucement les yeux vers moi ; qu’il faille se préoccuper beaucoup de cela. Il vaut mieux, selon moi, se demander simplement s’il est bien de le faire, et, si c’est bien, ne pas hésiter. »

Je n’hésitai pas plus longtemps. Je me sentais le cœur plus léger, quoique très-pénétré de l’immense importance de ma tâche et je me promis d’employer toute mon après-midi à composer ma lettre. Agnès m’abandonna son pupitre, pour composer mon brouillon. Mais je commençai d’abord par descendre voir M. Wickfleld et Uriah Heep.

Je trouvai Uriah installé dans un nouveau cabinet, qui exhalait une odeur de plâtre encore frais, et qu’on avait construit dans le jardin. Jamais mine plus basse ne figura au milieu d’une masse pareille de livres et de papiers. Il me reçut avec sa servilité accoutumée, faisant semblant de ne pas avoir su, de M. Micawber, mon arrivée, ce dont je me permis de douter. Il me conduisit dans le cabinet de M. Wickfield, ou plutôt dans l’ombre de son ancien cabinet, car on l’avait dépouillé d’une foule de commodités au profit du nouvel associé. M. Wickfield et moi nous échangeâmes nos salutations mutuelles