Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/158

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Saint-Martin. Dans ce temps-là, l’église qui a donné son nom à cette ruelle étroite n’était pas dégagée comme aujourd’hui ; il n’y avait seulement pas d’espace ouvert devant le porche, et la ruelle faisait un coude pour aboutir au Strand. En passant devant les marches de l’église, je rencontrai au coin une femme. Elle me regarda, traversa la rue, et disparut. Je reconnus ce visage-là, je l’avais vu quelque part, sans pouvoir dire où. Il se liait dans ma pensée avec quelque chose qui m’allait droit au cœur. Mais, comme au moment où je la rencontrai, je pensais à autre chose, ce ne fut pour moi qu’une idée confuse.

Sur les marches de l’église, un homme venait de déposer un paquet au milieu de la neige ; il se baissa pour arranger quelque chose : je le vis en même temps que cette femme. J’étais à peine remis de ma surprise, quand il se releva et se dirigea vers moi. Je me trouvai vis-à-vis de M. Peggotty. Alors je me rappelai qui était cette femme. C’était Marthe, celle à qui Émilie avait remis de l’argent un soir dans la cuisine, Marthe Endell, à côté de laquelle M. Peggotty n’aurait jamais voulu voir sa nièce chérie, pour tous les trésors que l’océan recelait dans son sein. Ham me l’avait dit bien des fois.

Nous nous serrâmes affectueusement la main. Nous ne pouvions parler ni l’un ni l’autre.

« Monsieur Davy ! dit-il en pressant ma main entre les siennes, cela me fait du bien de vous revoir. Bonne rencontre, monsieur, bonne rencontre !

— Oui, certainement, mon vieil ami, lui dis-je.

— J’avais, eu l’idée de vous aller trouver ce soir, monsieur, dit-il ; mais sachant que votre tante vivait avec vous, car j’ai été de ce côté-là, sur la route de Yarmouth, j’ai craint qu’il ne fût trop tard. Je comptais vous voir demain matin, monsieur, avant de repartir. Oui, monsieur, répétait-il, en secouant patiemment la tête, je repars demain.

— Et où allez-vous ? lui demandai-je.

— Ah ! répliqua-t-il en faisant tomber la neige qui couvrait ses longs cheveux, je m’en vais faire encore un voyage. »

Dans ce temps-là il y avait une allée qui conduisait de l’église Saint-Martin à la cour de la Croix-d’Or, cette auberge qui était si étroitement liée dans mon esprit au malheur de mon pauvre ami. Je lui montrai la grille ; je pris son bras et nous entrâmes. Deux ou trois des salles de l’auberge donnaient