Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/16

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Mes dernières tendresses pour mon oncle ! Mes dernières larmes et mes derniers remercîments pour mon oncle ! »

C’était tout.

Il resta longtemps à me regarder encore, quand j’eus fini. Enfin, je m’aventurai à lui prendre la main et à le conjurer, de mon mieux, d’essayer de recouvrer quelque empire sur lui-même. « Merci, monsieur, merci ! » répondait-il, mais sans bouger.

Ham lui parla et M. Peggotty n’était pas insensible à sa douleur, car il lui serra la main de toutes ses forces, mais c’était tout : il restait dans la même attitude et personne n’osait le déranger.

Enfin, lentement, il détourna les yeux de dessus mon visage, comme s’il sortait d’une vision, et il les promena autour de la chambre, puis il dit à voix basse :

« Qui est-ce ? je veux savoir son nom. »

Ham me regarda. Je me sentis aussitôt frappé d’un coup qui me fit reculer.

« Vous soupçonnez quelqu’un, dit M. Peggotty, qui est-ce ?

— Monsieur David ! dit Ham d’un ton suppliant, sortez un moment, et laissez-moi lui dire ce que j’ai à lui dire. Vous, il ne faut pas que vous l’entendiez, monsieur. »

Je sentis de nouveau le même coup ; je me laissai tomber sur une chaise, j’essayai d’articuler une réponse, mais ma langue était glacée et mes yeux troubles.

— Je veux savoir son nom ! répéta-t-il.

— Depuis quelque temps, balbutia Ham, il y a un domestique qui est venu quelquefois rôder par ici. Il y a aussi un monsieur : ils s’entendaient ensemble. »

M. Peggotty restait toujours immobile mais il regardait Ham.

« Le domestique, continua Ham, a été vu hier soir avec… avec notre pauvre fille. Il était caché dans le voisinage depuis huit jours au moins. On croyait qu’il était parti, mais il était caché seulement. Ne restez pas ici, monsieur David, ne restez pas ! »

Je sentis Peggotty passer son bras autour de mon cou pour m’entraîner, mais je n’aurais pu bouger quand la maison aurait dû me tomber sur les épaules.

« On a vu une voiture inconnue avec des chevaux de poste, ce matin presque avant le jour, sur la route de Norwich, reprit