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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/162

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Il s’arrêta, secoua la tête, puis reprit avec un soupir :

« Lui, il n’était plus rien pour moi, Émilie était tout. J’achetai une robe de paysanne pour elle ; je savais bien qu’une fois que je l’aurais retrouvée, elle viendrait avec moi le long de ces routes rocailleuses ; qu’elle irait où je voudrais, et qu’elle ne me quitterait plus jamais, non jamais. Tout ce que je voulais maintenant, c’était de lui faire passer cette robe, et fouler aux pieds celle qu’elle portait ; c’était de la prendre comme autrefois dans mes bras, et puis de retourner vers notre demeure, en nous arrêtant parfois sur la route, pour laisser reposer ses pieds malades, et son cœur, plus malade encore ! Mais lui, je crois que je ne l’aurais seulement pas regardé. À quoi bon ? Mais tout cela ne devait pas être, maître David, non pas encore ! J’arrivai trop tard, ils étaient partis. Je ne pus pas même savoir où ils allaient. Les uns disaient par ici, les autres par là. J’ai voyagé par ici et par là, mais je n’ai pas trouvé Émilie, et alors je suis revenu.

— Y a-t-il longtemps? demandai-je.

— Peu de jours seulement. J’aperçus dans le lointain mon vieux bateau, et la lumière qui brillait dans la cabine, et en m’approchant je vis la fidèle mistress Gummidge, assise toute seule au coin du feu. Je lui criai : « N’ayez pas peur, c’est Daniel ! » et j’entrai. Je n’aurais jamais cru qu’il put m’arriver d’être si étonné de me retrouver dans ce vieux bateau ! »

II tira soigneusement d’une poche de son gilet un petit paquet de papiers qui contenait deux ou trois lettres et les posa sur la table.

« Cette première lettre est venue, dit-il, en la triant parmi les autres, quand il n’y avait pas huit jours que j’étais parti. Il y avait dedans, à mon nom, un billet de banque de cinquante livres sterling ; on l’avait déposée une nuit sous la porte. Elle avait cherché à déguiser son écriture, mais c’était bien impossible avec moi. »

Il replia lentement et avec soin le billet de banque, et le plaça sur la table.

« Cette autre lettre, adressée à mistress Gummidge, est arrivée il y a deux ou trois mois. » Après l’avoir contemplée un moment, il me la passa, ajoutant à voix basse : « Soyez assez bon pour la lire, monsieur. »

Je lus ce qui suit :


« Oh ! que penserez-vous quand vous verrez cette écriture, et que vous saurez que c’est ma main coupable qui trace ces lignes. Mais essayez,