l’aimait tant, n’a cessé de la chercher que quand il a cessé de vivre ; et, si je la connais bien, il n’en faudra pas davantage pour la ramener alors au bercail ! »
Quand nous sortîmes, la nuit était froide et sombre, et je vis fuir devant nous cette apparition mystérieuse. Je retins M. Peggotty encore un moment, jusqu’à ce qu’elle eût disparu. Il me dit qu’il allait passer la nuit dans une auberge, sur la route de Douvres, où il trouverait une bonne chambre. Je l’accompagnai jusqu’au pont de Westminster, puis nous nous séparâmes. Il me semblait que tout dans la nature gardait un silence religieux, par respect pour ce pieux pèlerin qui reprenait lentement sa course solitaire à travers la neige.
Je retournai dans la cour de l’auberge, je cherchai des yeux celle dont le visage m’avait fait une si profonde impression ; elle n’y était plus. La neige avait effacé la trace de nos pas, on ne voyait plus que ceux que je venais d’y imprimer ; encore la neige était si forte qu’ils commençaient à disparaître, le temps seulement de tourner la tête pour les regarder par derrière.
À la fin, je reçus une réponse des deux vieilles dames. Elles présentaient leurs compliments à M. Copperfield et l’informaient qu’elles avaient lu sa lettre avec la plus sérieuse attention, « dans l’intérêt des deux parties. » Cette expression me parut assez alarmante, non-seulement parce qu’elles s’en étaient déjà servies autrefois dans leur discussion avec leur frère, mais aussi parce que j’avais remarqué que les phrases de convention sont comme ces bouquets de feu d’artifice dont on ne peut prévoir, au départ, la variété de formes et de couleurs qui les diversifient, sans le moindre égard pour leur forme originelle. Ces demoiselles ajoutaient qu’elles ne croyaient pas convenable d’exprimer, « par lettre, » leur opinion sur le sujet dont les avait entretenues M. Copperfield ; mais que si M. Copperfield voulait leur faire l’honneur d’une visite, à un jour désigné, elles seraient heureuses d’en converser