Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/218

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pour ma femme, et je suis sûr qu’elle s’en aperçut bien.

« Ne croyez-vous pas, ma tante, lui dis-ie après avoir de nouveau contemplé le feu, que vous puissiez de temps en temps donner quelques conseils à Dora. Cela nous serait bien utile.

— Trot, reprit ma tante avec émotion, non ! Ne me demandez jamais cela ! »

Elle parlait d’un ton si sérieux que je levai les yeux avec surprise.

« Voyez-vous, mon enfant, me dit ma tante, quand je regarde en arrière dans ma vie passée, je me dis qu’il y a maintenant dans leur tombe des personnes avec lesquelles j’aurais mieux fait de vivre en bons termes. Si j’ai jugé sévèrement les erreurs d’autrui en fait de mariage, c’est peut-être parce que j’avais de tristes raisons d’en juger sévèrement pour mon propre compte. N’en parlons plus. J’ai été pendant bien des années une vieille femme grognon et insupportable. Je le suis encore, Je le serai toujours. Mais nous nous sommes fait mutuellement du bien, Trot ; du moins vous m’en avez fait, mon ami, et il ne faut pas que maintenant la division vienne se mettre entre nous.

— La division entre nous ! m’écriai-je.

— Mon enfant, mon enfant, dit ma tante, en lissant sa robe avec sa main, il n’y a pas besoin d’être prophète pour prévoir combien cela serait facile ou combien je pourrais rendre notre petite Fleur malheureuse, si je me mêlais de votre ménage ; je veux que ce cher bijou m’aime et qu’elle soit gaie comme un papillon. Rappelez-vous votre mère et son second mariage ; et ne me faites jamais une proposition qui me rappelle pour elle et pour moi de trop cruels souvenirs. »

Je compris tout de suite que ma tante avait raison, et je ne compris pas moins toute l’étendue de ses scrupules généreux pour ma chère petite femme.

« Vous en êtes au début, Trot, continua t-elle et Paris ne s’est pas fait en un jour, ni même en un an. Vous avez fait votre choix en toute liberté vous-même (et ici je crus voir un nuage se répandre un moment sur sa figure). Vous avez même choisi une charmante petite créature qui vous aime beaucoup. Ce sera votre devoir, et ce sera aussi votre bonheur, je n’en doute pas, car je ne veux pas avoir l’air de vous faire un sermon, ce sera votre devoir, comme aussi votre bonheur, de l’apprécier, telle que vous l’avez choisie, pour les qualités qu’elle a, et non pour les qualités qu’elle n’a pas. Tâchez de