Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/221

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implorer notre pardon ; mais je suppose que cela a dû arriver à tout le monde. Nous eûmes encore à subir un feu de cheminée, la pompe de la paroisse et le faux serment du bedeau qui nous mit en frais ; mais ce sont encore là des malheurs ordinaires. Ce qui nous était personnel, c’était notre guignon en fait de domestiques ; l’une d’entre elles avait une passion pour les liqueurs fortes, qui augmentait singulièrement notre compte de porter et de spiritueux au café qui nous les fournissait. Nous trouvions sur les mémoires des articles inexplicables, comme « un quart de litre de rhum (Mistress C.), » et « un demi-quart de genièvre (Mistrass C.), « et « un verre de rhum et d’eau-de-vie de lavande (Mistress C.) ; » la parenthèse s’appliquait toujours à Dora, qui passait, à ce que nous apprîmes ensuite, pour avoir absorbé tous ces liquides.

L’un de nos premiers exploits, ce fut de donner à dîner à Traddles. Je le rencontrai un matin, et je l’engageai à venir nous trouver dans la soirée. Il y consentit volontiers, et j’écrivis an mot à Dora, pour lui dire que j’amènerais notre ami. Il faisait beau, et en chemin nous causâmes tout le temps de mon bonheur. Traddles en était plein, et il me disait que, le jour où il saurait que Sophie l’attendait le soir dans une petite maison comme la nôtre, rien ne manquerait à son bonheur. Je ne pouvais souhaiter d’avoir une plus charmante petite femme que celle qui s’assit ce soir-là en face de moi ; mais ce que j’aurais bien pu désirer, c’est que la chambre fût un peu moins petite. Je ne sais pas comment cela se faisait, mais nous avions beau n’être que deux, nous n’avions jamais de place, et pourtant la chambre était assez grande pour que notre mobilier pût s’y perdre. Je soupçonne que c’était parce que rien n’avait de place marquée, excepté la pagode de Jip qui encombrait toujours la voie publique. Ce soir-là Traddles était si bien enfermé entre la pagode, la boîte à guitare, le chevalet de Dora et mon bureau, que je craignais toujours qu’il n’eût pas asses de place pour se servir de son couteau et de sa fourchette ; mais il protestait avec sa bonne humeur habituelle et me répétait : « J’ai beaucoup de place, Copperfield ! beaucoup de place, je vous assure ! »

Il y avait une autre chose que j’aurais voulu empêcher ; j’aurais voulu qu’on n’encourageât pas la présence de Jip sur la nappe pendant le dîner. Je commençais à trouver peu convenable qu’il y vînt jamais, quand même il n’aurait pas eu la mauvaise habitude de fourrer la patte dans le sel ou dans le