Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/231

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Le docteur secoua la tête.

« Et voilà pourquoi j’approuve tant vos attentions délicates, dit mistress Markleham, en lui donnant sur l’épaule un petit coup d’éventail. Cela prouve que vous n’êtes pas comme tant de vieillards qui voudraient trouver de vieilles têtes sur de jeunes épaules. Vous avez étudié le caractère d’Annie et vous le comprenez. C’est ce que je trouve en vous de charmant. »

Le docteur Strong semblait, en dépit de son calme et de sa patience habituelle, ne supporter qu’avec peine tous ces compliments.

« Aussi, mon cher docteur, continua le Vieux-Troupier en lui donnant plusieurs petites tapes d’amitié, vous pouvez disposer de moi en tout temps. Sachez que je suis entièrement à votre service. Je suis prête à aller avec Annie au spectacle, aux concerts, à l’exposition, partout enfin ; et vous verrez que je ne me plaindrai seulement pas de la fatigue ; le devoir, mon cher docteur, le devoir avant tout ! »

Elle tenait parole. Elle était de ces gens qui peuvent supporter une quantité de plaisirs, sans que jamais leur persévérance soit à bout. Jamais elle ne lisait le journal (et elle le lisait tous les jours pendant deux heures dans un bon fauteuil, à travers son lorgnon), sans y découvrir quelque chose à voir qui amuserait certainement Annie. En vain Annie protestait qu’elle était lasse de tout cela, sa mère lui répondait invariablement :

« Ma cbère Annie, je vous croyais plus raisonnable, et je dois vous dire, mon amour, que c’est bien mal reconnaître la bonté du docteur Strong. »

Ce reproche lui était généralement adressé en présence du docteur, et il me semblait que c’était là principalement ce qui décidait Annie à céder. Elle se résignait presque toujours à aller partout ou l’emmenait le Vieux-Troupier.

Il arrivait bien rarement que M. Maldon les accompagnât. Quelquefois elles engageaient ma tante et Dora à se joindre à elles ; d’autres fois c’était Dora toute seule. Jadis j’aurais hésité à la laisser aller, mais, en réfléchissant à ce qui s’était passé le soir dans le cabinet du docteur, je n’avais plus la même défiance. Je croyais que le docteur avait raison, et je n’avais pas plus de soupçons que lui.

Quelquefois ma tante se grattait le nez, quand nous étions seuls, en me disant qu’elle n’y comprenait rien, qu’elle voudrait les voir plus heureux, et qu’elle ne croyait pas du tout