Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/235

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— Un pauvre homme légèrement timbré, dit M. Dick, un idiot, un esprit faible, c’est de moi que je parle, vous savez, peut faire ce que ne peuvent tenter les gens les plus distingués du monde. Je les raccommoderai, mon enfant : j’essayerai, moi ; ils ne m’en voudront pas. Ils ne me trouveront pas indiscret. Ils se moquent bien de ce que je puis dire, moi ; quand j’aurais tort, je ne suis que Dick. Qui est-ce qui fait attention à Dick ? Dick, ce n’est personne. Peuh ! » Et il souffla, par mépris de son chétif individu, comme s’il jetait une paille au vent.

Heureusement il avançait dans ses explications, car nous entendions la voiture s’arrêter à la porte du jardin. Dora et ma tante allaient rentrer.

« Pas un mot, mon entant ! continua-t-il à voix basse ; laissez retomber tout cela sur Dick, sur ce benêt de Dick. ce fou de Dick ! Voilà déjà quelque temps, monsieur, que j’y pensais ; j’y suis maintenant. Après ce que vous m’avez dit, je le tiens, j’en suis sûr. Tout va bien ! »

M. Dick ne prononça plus un mot sur ce sujet ; mais pendant une demi-heure il me fit des signes télégraphiques, dont ma tante ne savait que penser, pour m’enjoindre de garder le plus profond secret.

À ma grande surprise, je n’entendis plus parler de rien pendant trois semaines, et pourtant je prenais un véritable intérêt au résultat de ses efforts ; j’entrevoyais une lueur étrange de bon sens dans la conclusion à laquelle il était arrivé ; quant à son bon cœur, je n’en avais jamais douté. Mais je finis par croire que, mobile et changeant comme il était, il avait oublié ou laissé là son projet.

Un soir que Dora n’avait pas envie de sortir, nous nous dirigeâmes, ma tante et moi, jusqu’à la petite maison du docteur. C’était en automne, il n’y avait pas de débats du Parlement pour me gâter la fraîche brise du soir, et l’odeur des feuilles sèches me rappelait celles que je foulais jadis aux pieds dans notre petit jardin de Blunderstone ; le vent, en gémissant, semblait m’apporter encore une vague tristesse, comme autrefois.

Il commençait à faire nuit quand nous arrivâmes chez le docteur. Mistress Strong sortait du jardin, où M. Dick errait encore, tout en aidant le jardinier à planter quelques piquets. Le docteur avait une visite dans son cabinet, mais mistress Strong nous dit qu’il serait bientôt libre, et nous pria de l’attendre.