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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/242

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ressentait M. Wickfield, qui avait tant de sollicitude pour vos légitimes intérêts. Comment vous dire ce que j’éprouvai la première fois que je me suis vue exposée à l’odieux soupçon de vous avoir vendu mon amour, à vous, l’homme du monde que j’estimais le plus ! Tout cela m’a accablée sous le poids d’une honte imméritée dont je vous infligeais votre part. Oh ! non, personne ne peut savoir tout ce que j’ai souffert ; maman pas plus qu’une autre ! Songez à ce que c’est que d’avoir toujours sur le cœur cette crainte et cette angoisse, et de savoir pourtant, dans mon âme et conscience, que le jour de mon mariage n’avait fait que couronner l’amour et l’honneur de ma vie.

— Et voilà ce qu’on gagne, cria mistress Markleham en pleurs, à se dévouer pour ses enfants ! Je voudrais être turque !

— (Ah ! plût à Dieu, et que vous fussiez restée dans votre pays natal ! dit ma tante.)

— C’est à ce moment que maman s’est tant occupée de mon cousin Maldon. J’avais eu, dit-elle à voix basse, mais sans la moindre hésitation, de l’amitié pour lui. Nous étions, dans notre enfance, des petits amoureux. Si les circonstances n’en avaient pas ordonné autrement, j’aurais peut-être fini par me persuader que je l’aimais réellement ; je l’aurais peut-être épousé pour mon malheur. Il n’y a pas de mariage plus mal assorti que celui où il y a si peu de rapports d’idées et de caractère. »

Je réfléchissais sur ces paroles, tout en continuant d’écouter attentivement, comme si elles avaient un intérêt particulier, ou quelque application secrète que je ne pouvais deviner encore : « Il n’y a pas de mariage plus mal assorti que celui où il y a si peu de rapports d’idées et de caractère. »

« Nous n’avons rien de commun, dit Annie ; il y a longtemps que je m’en suis aperçue. Quand même je n’aurais pas d’autres raisons d’aimer avec reconnaissance mon mari, moi qui en ai tant, je le remercierais de toute mon âme pour m’avoir sauvé du premier mouvement d’un cœur indiscipliné qui allait s’égarer. »

Elle se tenait immobile devant le docteur, sa voix vibrait d’une émotion qui me fit tressaillir, font en restant parfaitement calme et ferme comme auparavant.

« Lorsqu’il sollicitait des marques de votre munificence, que vous lui dispensiez si généreusement, à cause de moi, je