Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/289

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chaque jour par des voix importunes qui refusaient de me laisser sortir ; où il n’y avait pas à la porte de marteau qui permît aux créanciers de frapper, où on n’exigeait aucun service personnel, et où ceux qui vous détenaient en prison attendaient à la grille, Messieurs, dit M. Micawber, lorsque l’ombre de ces piques de fer qui ornent le sommet des briques venait se réfléchir sur le sable de la Parade, J’ai vu mes enfants s’amuser à suivre avec leurs pieds le labyrinthe compliqué du parquet en évitant les points noirs. Il n’y a pas une pierre de ce bâtiment qui ne me soit familière. Si je ne puis vous dissimuler ma faiblesse, veuillez m’excuser.

— Nous avons tous fait du chemin en ce monde depuis ce temps-là, monsieur Micawber, lui dis-je.

— Monsieur Copperfield, me répondit-il avec amertume, lorsque j’habitais cette retraite, je pouvais regarder en face mon prochain, je pouvais l’assommer s’il venait à m’offenser. Mon prochain et moi, nous ne sommes plus sur ce glorieux pied d’égalité ! »

M. Micawber s’éloigna d’un air abattu, et prenant le bras de Traddles d’un côté, tandis que, de l’autre, il s’appuyait sur le mien, il continua ainsi :

« Il y a sur la voie qui mène à la tombe des bornes qu’on voudrait n’avoir jamais franchies, si l’on ne sentait qu’un pareil vœu serait impie. Tel est le Banc du Roi dans ma vie bigarrée !

— Vous êtes bien triste, monsieur Micawber, dit Traddles.

— Oui, monsieur, repartit M. Micawber.

— J’espère dit Traddles, que ce n’est pas parce que vous avez pris du dégoût pour le droit, car je suis avocat, comme vous savez. »

M. Micawber ne répondit pas un mot.

« Comment va notre ami Heep, monsieur Micawber ? lui dis-je après un moment de silence.

— Mon cher Copperfield, répondit M. Micawber, qui parut d’abord en proie à une violente émotion, puis devint tout pâle, si vous appelez votre ami celui qui m’emploie, j’en suis fâché, si vous l’appelez mon ami, je vous réponds par un rire sardonique. Quelque nom que vous donniez à ce mouleur, je vous demande la permission de vous répondre simplement que, quel que puisse être son état de santé, il a l’air d’un renard, pour ne pas dire d’un diable. Vous me permettrez de ne pas m’étendre davantage, comme individu, sur un sujet qui,