Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

brûlante, et plus elle entendait de bourdonnements dans ses oreilles. Tout d’un coup, ou du moins elle le crut ainsi, le jour parut, humide et orageux, et elle se trouva couchée sur un tas de pierres ; une femme lui parlait dans la langue du pays, et lui demandait ce qui lui était arrivé. »

Il voyait tout ce qu’il racontait. Cette scène lui était tellement présente, que, dans son émotion, il décrivait chaque particularité avec une netteté que je ne saurais rendre. Aujourd’hui il me semble avoir assisté moi-même à tous ces événements, tant les récits de M. Peggotty avaient l’apparence fldèle de la réalité.

« Peu à peu, continua-t-il, Émilie reconnut cette femme pour lui avoir parlé quelquefois sur la plage. Elle avait fait souvent de longues excursions, à pied, ou en bateau, ou en voiture, et elle connaissait tout le pays, le long de la côte. Cette femme venait de se marier et n’avait pas encore d’enfant, nais elle en attendait bientôt un. Dieu veuille permettre que cet enfant soit pour elle un appui, une consolation, un honneur toute sa vie ! Qu’il l’aime et qu’il la respecte dans sa vieillesse, qu’il la serve fidèlement jusqu’à la fin ; qu’il soit pour elle un ange, sur la terre et dans le ciel !

— Ainsi soit-il, dit ma tante.

— Les premières fois, elle avait été un peu intimidée, et quand Émilie parlait aux enfants sur la grève, elle restait à filer, sans s’approcher. Mais Émilie, qui l’avait remarquée, était allée lui parler d’elle-même, et comme la jeune femme aimait beaucoup aussi les enfants, elles furent bientôt bonnes amies ensemble ; si bien que, quand Émilie allait de ce côté, la jeune femme lui donnait toujours des fleurs. C’était elle qui demandait en ce moment à Émilie ce qui lui était arrivé. Émilie le lui dit, et elle… elle l’emmena chez elle. Oui, vraiment, elle l’emmena chez elle, dit M. Peggotty en se couvrant le visage de ses deux mains. »

Il était plus ému de cet acte de bonté, que je ne l’avais jamais vu se laisser émouvoir depuis le jour où sa nièce l’avait quitté. Ma tante et moi, nous ne cherchâmes pas à le distraire.

« C’était une toute petite chaumière, vous comprenez, dit-il bientôt ; mais elle trouva moyen d’y loger Émilie ; son mari était en mer. Elle garda le secret et obtint des voisins (qui n’étaient pas nombreux) la promesse de n’être pas moins discrets. Émilie tomba malade, et ce qui m’étonne bien, peut-être des gens plus savants le comprendraient-ils mieux que moi,