Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/317

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aucun renseignement. M Peggotty ne m’en a pas parlé, et je n’ose le questionner. Mais je suis sûr qu’il ne l’a pas oubliée. Il n’oublie jamais les gens qui montrent, comme elle, une bonté désintéressée.

— Parce que, voyez-vous, dit M. Omer, en reprenant sa phrase là où il l’avait laissée, quand on fera quelque chose pour elle, je désire m’y associer. Inscrivez mon nom pour telle somme que vous jugerez convenable, et faites-le moi savoir. Je n’ai jamais pu croire que cette fille fût aussi vicieuse qu’on le disait, et je suis bien aise de voir que j’avais raison. Ma fille Minnie en sera contente aussi. Les jeunes femmes vous disent souvent des choses qu’elles ne pensent pas, pour vous contrarier. Sa mère était tout comme elle : mais avec tout ça leurs cœurs sont bons et tendres ; si Minnie fait la grosse voix quand elle parle de Marthe, ce n’est que pour le monde. Pourquoi cela ? je n’en sais rien ; mais au fond croyez bien que ce n’est pas sérieux. Elle ferait tout, an contraire, pour lui rendre service en cachette. Ainsi inscrivez mon nom, je vous prie, pour ce que vous croirez convenable, et écrivez-moi une ligne pour me dire où je dois vous adresser mon offrande. Ah ! dit M. Omer, quand on arrive à cette époque de la vie, où les deux extrêmes se touchent, quand on se voit forcé, quelque robuste qu’on soit, de se faire rouler pour la seconde fois dans une espèce de chariot, on est trop heureux de rendre service à quelqu’un. On a soi-même tant besoin des autres ! Je ne parle pas de moi ; seulement, dit M. Orner, parce que, monsieur, je dis que nous descendons tous la colline, quelque âge que nous ayons ; le temps ne reste jamais immobile. Faisons donc du bien aux autres, ne fût-ce que pour nous rendre heureux nous-mêmes. Voilà mon opinion. »

Il secoua la cendre de sa pipe, qu’il posa dans un petit coin du dossier de son fauteuil, adapté à cet usage.

« Voyez le cousin d’Émilie, celui qu’elle devait épouser, dit M. Omer, en se frottant lentement les mains ; un brave garçon comme il n’y en a pas dans tout Yarmouth ! Il vient souvent le soir causer avec moi, ou me faire la lecture une heure de suite. Voilà de la bonté, j’espère ! mais toute sa vie n’est que bonté parfaite.

— Je vais le voir de ce pas, lui dis-je.

— Ah ! vraiment, dit M. Omer ; dites-lui que je me porte bien, et que je lui présente mes respects. Minnie et Joram sont à un bal ; ils seraient aussi heureux que moi de vous