Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/330

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associé, adressez-vous à Copperfield. D’ailleurs, toute la famille de M. Wicfield est un sujet sur lequel son éloquence ne tarit pas. »

Je n’eus pas le temps de décliner le compliment, quand j’aurais été disposé à le faire. Agnès venait d’entrer, suivie de mistress Heep. Elle n’avait pas l’air aussi calme qu’à l’ordinaire ; évidemment elle avait eu à supporter beaucoup d’anxiété et de fatigue. Mais sa cordialité empressée et sa sereine beauté n’en étaient que plus frappantes.

Je vis Uriah l’observer tandis qu’elle nous disait bonjour ; il me rappela la laideur des mauvais génies épiant une bonne fée. Puis je vis M. Micawber faire un signe à Traddles qui sortit aussitôt

« Vous n’avez pas besoin de rester ici, Micawber, dit Uriah. »

Mais M. Micawber restait debout devant la porte, une main appuyée sur la règle qu’il avait placée dans son gilet. On voyait bien, à ne pas s’y méprendre, qu’il avait l’œil fixé sur un individu, et que cet individu, c’était son abominable patron.

« Qu’est-ce que vous attendez ? dit Uriah. Micawber, n’avez-vous pas entendu que je vous ai dit de ne pas rester ici ?

— Si, dit M. Micawber, toujours immobile.

— Alors, pourquoi restez-vous ? dit Uriah.

— Parce que… parce que cela ma convient, répondit M. Micawber, qui ne pouvait plus se contenir. »

Les joues d’Uriah perdirent toute leur couleur et se couvrirent d’une pâleur mortelle, faiblement illuminée par le rouge de ses paupières. Il regarda attentivement M. Micawber avec une figure toute haletante.

« Vous n’êtes qu’un pauvre sujet, tout le monde le sait bien, dit-il en s’efforçant de sourire, et j’ai peur que vous ne m’obligiez à me débarrasser de vous. Sortez ! je vous parlerai tout à l’heure.

— S’il y a en ce monde un scélérat, dit M. Micawber, en éclatant tout à coup avec une véhémence inouïe, un coquin auquel je n’ai que trop parlé en ma vie, ce gredin-là se nomme… Heep ! »

Uriah recula, comme s’il avait été piqué par un reptile venimeux. Il promena lentement ses regarda sur nous, de l’air le plus sombre et le plus méchant ; puis il dit à voix basse :

« Ah ! ah ! c’est un complot ! Vous vous êtes donné rendez-vous ici ; vous voulez vous entendre avec mon commis, Copperfield,