qu’il parvint à alarmer sérieusement la mère, qui s’écria avec la plus vive agitation :
« Uriah ! Uriah ! Soyez humble et tâchez d’arranger l’affaire, mon enfant !
— Mère, répliqua-t-il, voulez-vous vous taire ? Vous avez peur, et vous ne savez ce que vous dites. Humble ! répéta-t-il, en me regardant d’un air méchant. Je les ai humiliés il y a déjà longtemps, tout humble que je suis ! » »
M. Micawber rentra tout doucement son menton dans sa cravate, puis il reprit :
« Secundo… Heep a plusieurs fois, à ce que je puis croire et savoir…
— Les belles preuves ! murmura Uriah d’un ton de soulagement. Ma mère, restez donc tranquille.
— Nous tâcherons d’en trouver de meilleures pour vous achever, monsieur, » répondit M. Micawber.
« Secundo. Heep a plusieurs fois, à ce que je puis croire et savoir, fait des faux, en imitant dans divers papiers, livres et documents la signature de M. W… particulièrement dans une circonstance dont je pourrai donner la preuve, par exemple, de la manière suivante, à savoir… »
M. Micawber aimait singulièrement à entasser ainsi des formules officielles, mais cela ne lui était pas particulier, je dois le dire. C’est plutôt la règle générale. Bien souvent j’ai pu remarquer que les individus appelés à prêter serment, par exemple, semblent être dans l’enchantement quand ils peuvent enfiler des mots identiques à la suite les uns des autres pour exprimer une seule idée ; ils disent qu’ils détestent, qu’ils haïssent et qu’ils exècrent, etc., etc. Les anathèmes étaient jadis conçus d’après le même principe. Nous parlons de la tyrannie des mots, mais nous aimons bien aussi à les tyranniser ; nous aimons à nous en faire une riche provision qui puisse nous servir de cortège dans les grandes occasions ; il nous semble que cela nous donne de l’importance, que cela a bonne façon. De même que dans les jours d’apparat nous ne sommes pas très-difficiles sur la qualité des valets qui endossent notre livrée, pourvu qu’ils la portent bien et qu’ils fassent nombre ; de même nous n’attachons qu’une importance secondaire au sens ou à l’utilité des mots que nous employons pourvu qu’ils défilent à la parade. Et, de même qu’on s’attire