Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/341

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est superflu d’appeler un démon, et dans l’angoisse que me causait la situation de mes infortunés héritiers, répandra sur mon bûcher funèbre quelques gouttes de miséricorde. Je n’en demande pas davantage. Qu’on me rende seulement justice, et qu’on dise de moi comme de ce noble héros maritime, auquel je n’ai pas la prétention de me comparer, que ce que j’ai fait, je l’ai fait, en dépit d’intérêts égoïstes ou mercenaires,

Par amour pour la vérité,
Pour l’Angleterre et la beauté.

« Je suis pour la vie, etc., etc.

Wilkins Micawber. »


M. Micawber plia sa lettre avec une vive émotion, mais avec une satisfaction non moins vive, et la tendit à ma tante comme un document qu’elle aurait sans doute du plaisir à garder.

Il y avait dans la chambre un coffre-fort en fer : je l’avais déjà remarqué lors de ma première visite. La clef était sur la serrure. Un soupçon soudain sembla s’emparer d’Uriah ; il jeta un regard sur M. Micawber, s’élança vers le coffre-fort, et l’ouvrit avec fracas. Il était vide.

« Où sont les livres ? s’écria-t-il, avec une effroyable expression de rage. Un voleur a dérobé mes livres ! »

M. Micawber se donna un petit coup de règle sur les doigts :

« C’est moi : vous m’avez remis la clef comme à l’ordinaire, un peu plus tôt même que de coutume, et j’ai ouvert le coffre.

— Soyez sans inquiétude, dit Traddles. Ils sont en ma possession. J’en prendrai soin, d’après les pouvoirs que j’ai reçus.

— Vous êtes donc un receleur ? cria Uriah.

— Dans des circonstances comme celles-ci, certainement oui, » répondit Traddles.

Quel fut mon étonnement quand je vis ma tante, qui jusque-là avait écouté avec un calme parfait, ne faire qu’un bond vers Uriah Heep et le saisir au collet !

« Vous savez ce qu’il me faut ! dit ma tante.

— Une camisole de force, dit-il.

— Non. Ma fortune ! répondit ma tante. Agnès, ma chère, tant que j’ai cru que c’était votre pète qui l’avait laissé perdre, je n’ai pas soufflé mot : Trot lui-même n’a pas su que