Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/353

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Sa petite niche chinoise est près du feu ; il est couché sur son lit de flanelle ; il cherche à s’endormir en gémissant. La lune brille de sa plus douce clarté. Et mes larmes tombent à flots, et mon triste cœur est plein d’une angoisse rebelle, il lutte douloureusement contre le coup qui le châtie, oh ! oui bien douloureusement.

Je suis assis au coin du feu, je songe, avec un vague remords, à tous les sentiments que j’ai nourris en secret depuis mon mariage. Je pense à toutes les petites misères qui se sont passées entre Dora et moi, et je sens combien on a raison de dire que ce sont toutes ces petites misères qui composent la vie. Et je revois toujours devant moi la charmante enfant, telle que je l’ai d’abord connue, embellie par mon jeune amour, comme par le sien, de tous les charmes d’un tel amour. Aurait-il mieux valu, comme elle me le disait, que nous nous fussions aimés comme des enfants, pour nous oublier ensuite ? Cœur rebelle, répondez.

Je ne sais comment le temps se passe ; enfin je suis rappelé à moi par le vieux compagnon de ma petite femme. Il est plus agité, il se traîne hors de sa niche, il me regarde, il regarde la porte, il pleure parce qu’il veut monter.

« Pas ce soir Jip ! pas ce soir ! Il se rapproche lentement de moi, il lèche ma main, et lève vers moi ses yeux qui ne voient plus qu’à peine.

« Oh, Jip peut-être plus jamais ! » Il se couche à mes pieds, s’étend comme pour dormir, pousse un gémissement plaintif : il est mort.

« Oh ! Agnès ! venez, venez voir ! »

Car Agnès vient de descendre en effet. Son visage est plein, de compassion et de douleur, un torrent de larmes s’échappe de ses yeux, elle me regarde sans me dire un mot, sa main me montre le ciel !

« Agnès ? »

C’est fini. Je ne vois plus rien ; mon esprit se trouble, et au même instant, tout s’efface de mon souvenir.