Aller au contenu

Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les herbes marines et les flaques d’écume encombrèrent le passage en un moment ; je fus obligé de me faire aider pour parvenir à refermer la porte et la barricader contre le vent.

Il y avait une sombre obscurité dans ma chambre solitaire, quand je finis par y rentrer ; mais j’étais fatigué, et je me recouchai ; bientôt je tombai dans un profond sommeil, comme on tombe, en songe, du haut d’une tour au fond d’un précipice. J’ai le souvenir que pendant longtemps j’entendais le vent dans mon sommeil, bien que mes rêves me transportassent en d’autres lieux et au milieu de scènes bien différentes. À la fin, cependant, tout sentiment de la réalité disparut, et je me vis, avec deux de mes meilleurs amis dont je ne sais pas le nom au siège d’une ville qu’on canonnait à outrance.

Le bruit du canon était si fort et si continu, que je ne pouvais parvenir à entendre quelque chose que j’avais le plus grand désir de savoir ; enfin, je fis un dernier effort et je me réveillai. Il était grand jour, huit ou neuf heures environ : c’était l’orage que j’entendais et non plus les batteries ; on frappait à ma porte et on m’appelait :

« Qu’y a-t-il ? m’écriai-je.

— Un navire qui s’échoue tout près d’ici. »

Je sautai à bas de mon lit et je demandai quel navire c’était.

« Un schooner qui vient d’Espagne ou de Portugal avec un chargement de fruits et de vin. Dépêchez-vous, monsieur, si vous voulez le voir ! On dit qu’il va se briser à la côte, au premier moment. »

Le garçon redescendit l’escalier quatre à quatre ; je m’habillai aussi vite que je pus, et je m’élançai dans la rue.

Le monde me précédait en foule ; tous couraient dans la même direction, vers la plage. J’en dépassai bientôt un grand nombre, et j’arrivai en présence de la mer en furie. Le vent s’était plutôt un peu calmé mais quel calme ! C’était comme si une demi-douzaine de canons se fussent tus, parmi les centaines de bouches à feu qui résonnaient à mon oreille pendant mon rêve. Quant à la mer, toujours plus agitée, elle avait une apparence bien plus formidable encore que la veille au soir. Elle semblait s’être gonflée de toutes parts ; c’était quelque chose d’effrayant que de voir à quelle hauteur s’élevaient ses vagues immenses qui grimpaient les unes sur les autres pour rouler au rivage et s’y briser avec bruit.

Au premier moment le rugissement du vent et des flots,