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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/385

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si je voulais l’excuser et prendre la peine de monter, elle serait charmée de me voir. En un instant, je fus près d’elle.


Elle était dans la chambre de Steerforth et non pas dans la sienne ; je sentais qu’elle l’occupait, un souvenir de lui, et que c’était aussi pour la même raison qu’elle avait laissé là, à leur place accoutumée, une foule d’objets dont elle était entourée, souvenirs vivants des goûts et des talents de son fils. Elle murmura, en me disant bonjour, qu’elle avait quitté sa chambre, parce que, dans son état de santé, elle ne lui était pas commode, et prit un air imposant qui semblait repousser tout soupçon de la vérité.

Rosa Dartle se tonait, comme toujours, auprès de son fauteuil au moment où elle fixa sur moi ses yeux noirs, je vis qu’elle comprenait que j’apportais de mauvaises nouvelles. La cicatrice parut au même instant. Elle recula d’un pas, comme pour échapper à l’observation de mistress Steerforth, et m’épia d’un regard perçant et obstiné qui ne me quitta plus.

« Je regrette de voir que vous êtes en deuil, monsieur, me dit mistress Steerforth.

— J’ai eu le malheur de perdre ma femme, lui dis-je.

— Vous êtes bien jeune pour avoir éprouvé un si grand chagrin, répondit-elle. Je suis fâchée, très-fâchée de cette nouvelle. J’espère que le temps vous apportera quelque soulagement.

J’espère, dia-je en la regardant, que le temps noua ap. portera à tous quelque soulagement. Chère mistress Steerforth, o’est une espérance qu’il faut toujours nourrir, même au mi- lieu de nos plus douloureuses épreuves. »

La gravité de mea paroles et les larmes qui remplissaient mes yeux l’alarmèrent. Ses idées parurent tout à coup s’arrêter, pour prendre un autre cours.

J’essayai de maîtriser mon émotion, quand je prononçai doucement le nom de son fils, mais ma voix tremblait. Elle se le répéta deux ou trois fois à elle-même à voix basse. Puis, se tournant vers moi, elle me dit, avec un calme affecté :

« Mon fils est malade ?

— Très-malade.

— Vous l’avez vu ?

— Je l’ai vu.

— Vous êtes réconciliés ? »

Je ne pouvais pas dire oui, je ne pouvais pas dire non. Elle