Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/426

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tracassé. Il n’en faudrait pas davantage pour me mettre hors des gonds. Savez-vous qu’il m’a fallu du temps pour me remettre des manières de cette dame si farouche, la nuit où vous êtes né, monsieur Copperfield ? »

Je lui dis que je partais justement le lendemain matin pour aller voir ma tante, ce terrible dragon dont il avait eu si grand’peur ; que, s’il la connaissait mieux, il saurait que c’était la plus affectueuse et la meilleure des femmes. La seule supposition qu’il pût jamais la revoir parut le terrifier. Il répondit, avec un pâle sourire : « Vraiment, monsieur ? vraiment ? » et demanda presque immédiatement un bougeoir pour aller se coucher, comme s’il ne se sentait pas en sûreté partout ailleurs. Il ne chancelait pas précisément en montant l’escalier, mais je crois que son pouls, généralement si calme, devait avoir ce soir-là deux on trois pulsations de plus encore à la minute que le jour où ma tante, dans le paroxysme de son désappointement, lui avait jeté son chapeau à la tête.

À minuit, j’allai aussi me coucher, extrêmement fatigué ; le lendemain je pris la diligence de Douvres.

J’arrivai sain et sauf dans le vieux salon de ma tante où je tombai comme la foudre pendant qu’elle prenait le thé (à propos elle s’était mise à porter des lunettes), et je fus reçu à bras ouverts, avec des larmes de joie par elle, parM. Dick, et par ma chère vieille Peggotty, maintenant femme de charge dans la maison. Lorsque nous pûmes causer un peu tranquillement, je racontai à ma tante mon entrevue avec M. Chillip, et la terreur qu’elle lui inspirait encore aujourd’hui, ce qui la divertit extrêmement. Peggotty et elle se mirent à en dire long sur le second mari de ma mère, et « cet assassin femelle qu’il appelle sa sœur, » car je crois qu’il n’y a au monde ni arrêt de parlement, ni pénalité judiciaire qui eût pu décider ma tante à donner à cette femme un nom de baptême, ou de famille, ou de n’importe quoi.


Nous causâmes en tête-à-tete, ma tante et moi, fort avant dans la nuit. Elle me raconta que les émigrants n’envoyaient